La
pétillante et bavarde Madame Moe (Thelma Ritters) vend des cravates
à prix coûtant, seulement 1$ pièce. Elle vend aussi des
renseignements à la police, elle n'est pas une moucharde, loin de
là, elle ne laissera personne dire le contraire, elle a sa dignité.
Contre 50$ négociables, Moe accepte de donner le nom de 8
pickpockets. Auparavant, elle demande de décrire le pickpocket, non
pas son aspect physique, grand ou mince, blond ou brun, mais sa
méthode pour voler le porte-feuille, comment il tient son journal,
comment il le plie.
Juste
auparavant, dans une séquence sonore mais sans dialogue, dans un
métro aérien de New-York, Samuel Fuller dirigeait les regards de
ses spectateurs sur ce vol de porte-feuille. Une femme sexy en
diable, Candy (Jean Peters), deux observateurs dont on connaîtra
bientôt la fonction, ils sont des agents secrets, parmi eux Zara
(Willis Bouchey). Ils suivent Candy mais sont dérangés par Skip
McCoy (Richard Widmark) en train de faire son œuvre. Les plans sur
les visages des personnages se succèdent, alternant avec le métro
bondé où les corps s'entrechoquent et les inserts sur le sac à
main et la main de Skip.
Le
sérieux de cette première séquence où tout est montré, scruté,
dans un dispositif de pur suspense fait contraste avec avec le
comique de situation de Moe chez les flics qui la suit immédiatement.
La petite bonne-femme a de l'aplomb, elle a de la répartie. Le
Port de la drogue suit ce mouvement de balancier pour trouver son
rythme, d'un côté l'humour léger et de l'autre le polar qui se
mâtine de politique. Car ce porte-feuille contient un microfilm
contenant des secrets militaires (une formule de chimie) et Candy ne
peut pas le remettre à celui qui l'attendait.
Derrière
ce sérieux McGuffin qu'est le microfilm, une histoire d'amour
contrariée se dessine. Candy ignore que Joey (Richard Kiley) est un
communiste, cet homme qu'elle aime et à qui elle doit remettre ce
document œuvre pour l'ennemi (sauf dans la version française, d'où
ce titre improbable). Samuel Fuller le filme suant, aux aguets, terré
dans son appartement et plus tard dans un monte-charge il est un
homme qui n'inspire jamais confiance. Pire, il manipule Candy, lui
ment, il l'entraîne à son insu dans une opération. Pendant tout le
film, Joey est désigné comme un homme mesquin.
Candy
n'a pas remarqué Skip McCoy dans la rame de métro. Elle veut le
retrouver par l'entremise de Moe qui demande encore une fois 50$ à
la jeune femme. Skip est un voleur, certes, mais Samuel Fuller ne le
condamne pas, il lui offre un certain charme (il va séduire Candy et
elle se laisse séduire), de l'humour corrosif (son arrestation où
il déploie une ironie mordante aux détriments des flics) et de
l'ingéniosité (son frigo est une caisse de bières qu'il plonge
dans l'eau). Skip vit dans une petite cabane de pêche au bord du
fleuve, éloigné du monde et Candy va le faire revenir au monde
Malin
comme un singe et toujours prêt à mettre des bâtons dans les roues
de la censure, Samuel Fuller ne fait pas de Skip McCoy un patriote,
bien au contraire, seul l'argent l'intéresse (et Candy aussi) et il
ne va pas hésiter à demander une forte somme pour remettre le
microfilm. Il y a toujours dans le regard sévère de Richard Widmark
une inquiétude qui contamine les autres personnages, les fait perdre
pied, leur subtilise la réalité. C'est cette ambiance qui refuse le
manichéisme tout comme les archétypes tranchés que j'aime dans le
cinéma de Samuel Fuller.
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