Le
premier plan de Jour de paye est tout simple mais dénote
toute l'inventivité de la mise en scène de Charles Chaplin. Ce plan
commence avec quelques ouvriers qui bossent sur un chantier, leur
rythme est normal, ils marchent normalement, ils transportent leurs
outils et leurs briques comme dans n'importe quel film. Puis le
contremaître arrive, donne un bon coup de sifflet et les ouvriers
commencent à marcher rapidement comme dans un splastick des années
1910, dans un burlesque. Le tout dans un plan séquence.
Notre
vaillant Charlot arrive alors, observant toute cette activité qu'il
n'aime pas tant que ça. Il est en retard, il est derrière une
barrière mais doit aller travailler. Pour tenter de ne pas se faire
engueuler par le contremaître, il décide de s'approcher avec une
fleur qu'il va lui offrir. Pas question de se laisser amadouer,
laisse comprendre le visage peu amène du contremaître. Le gros et
géant contremaître face à minuscule Charlot est aussi l'une des
plus marquantes images de Jour de paye. L'ouvrier n'est rien
face à la force du sifflet.
Chaplin
cherche à créer de nouveaux gags par le montage inversé. Charlot
est sur l’échafaudage, ses collègues sont sur le plancher des
vaches. C'est un mouvement interrompu entre les deux niveaux, ceux
d'en bas envoient des briques à Charlot et celui-ci les attrape dans
un rythme effréné. Magie des images à l'envers que Chaplin utilise
peut être un peu trop longtemps tout comme le gag du monte-charge
qui ne cesse de monter et descendre menaçant chaque fois notre
travailleur de manquer de tomber.
Le
travail doit payer la pitance de l'ouvrier, mais ce que dit le film
in fine est que l'ouvrier est si mal payé qu'il a du mal à
s'acheter à manger. Sur ce monte-charge, il pique quelques aliments
posés là et qui montent puis descendent. Mais le pain est sec et
même avec une chignole pour la faire rentrer, la saucisse n'adoucit
guère le pain sec, il faudra un tire-bouchon pour la faire sortir.
Encore une fois, Charlot parle du travail comme une aliénation
perpétuelle, répétitive et accélérée, Jour de paye le
disait six ans avant Les Temps modernes.
Reste
à causer des femmes. Edna Purviance a un minuscule rôle, celui de
la fille du contremaître qui apporte à son père à manger, dont un
camembert que Charlot sent avec un certain dégoût. Il y a aussi
l'épouse, une mégère qui réclame la maigre paye. Charlot a beau
essayer de cacher quelques billets dans son chapeau, elle est là
derrière lui. Il ira boire des verres au café mais le soir, elle
l'accueille avec le rouleau à pâtisserie quand il rentre soûl
comme un cochon. Contremaître ou épouse, Charlot n'a jamais la vie
tranquille, maison ou travail, c'est pas le rêve américain.
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