Depuis
le début de l’année, 17 millions de billets ont été vendus pour
six comédies françaises, ce genre si décrié depuis des années
(lire le papier du camarade François Cau sur chaosreigns).
A ma gauche : trois franchises ou suites, on saura bientôt quel
film recevra le césar du film qui a engendré le plus de pognon
entre Les Tuches 3 d'Olivier
Baroux, La
Ch’tite famille de Dany Boon
et Taxi 5 de
Franck Gastambide. A ma
droite, trois comédies avec de la star en veux-tu en voilà,
Brillantissime
de Michèle Laroque, Place
publique d'Agnès Jaoui et
Love addict
de Franck Belloq.
En
février, le moment le plus embarrassant de la soirée des César
déjà passablement pesante, est moins l'attribution de cette
récompense à l’atroce RAID
dingue de Dany Boon
(l'animateur de la soirée ajoutant que c’était bien parti pour
recevoir le prix en 2018) mais la conviction de Line Renaud (elle
accompagnait Dany Boon) qui ne cessait de répéter qu’il est un
artiste, impliquant qu’il n’est pas qu’un simple amuseur
public. Non, bel et bien un artiste ou un auteur dans le sens où on
l’entend aujourd'hui. Dany Boon croit dur comme fer à son statut
d’auteur, pour La Ch’tite
famille il se prend pour
Jacques Tati. On ne peut pas comprendre le sens de La
Ch'tite famille si on n’y
voit pas une construction à la Mon
oncle.
L'’opposition entre le
bon sens (ceux du Nord) et les modernes (ceux de Paris) est censée
produire du comique tout comme les différents langages, le pointu
snob et le ch'ti. L’un des ressorts comiques de Dany Boon repose
sur un running gag : les meubles qu’il vend sont très
inconfortables et donnent mal au dos à ceux qui les ont achetés.
Plutôt qu’un gag visuel, il faut se contenter d’une simple
phrase répétée pendant tout le film. C’est également le cas de
Place publique
d'Agnès Jaoui. Eva Drucker sort à chacun son running gag que Paris
est à 35 minutes. Le film d'Agnès Jaoui est totalement différent
du Sens de la fête
de Nakache et Toledano. Elle ne s’intéresse qu’aux patrons quand
le duo se passionnait pour les employés, mais sinon on demeure sur
une structure similaire, unités d’action de temps et de lieu, la
pendaison de crémaillère remplace le mariage.
Le
voyage vers Paris de la famille Tuche issue du Pas-de-Calais (une
similitude avec La Ch'tite
famille) est au centre des
Tuche 3.
(Je n'avais pas encore remarqué que Tuche est presque le verlan de
ch'ti). Il est possible de rire aux élucubrations de Jeff et Cathy
Tuche, lui avec ses aphorismes où tout se termine par l'éloge du
fromage, elle dans ses longues encouragements au chef cuistot de
l'Elysée pour faire cuire les frites. Les
Tuches 3, largement plus
réussi que les deux autres, peut faire rire de bonne foi parce qu'on
rit avec les personnages et non contre eux. Le film fait partie de
cette catégorie de récit qui tombe pile poil avec l'Histoire,
l'élection d'un type sans qu'on s'en rende compte. Ça rappelle la
chouette époque des Charlots et de Claude Zidi (c'est bien entendu
un compliment). Dans Les Tuches
3, c'est le dernier fiston
Donald surnommé Coin-coin qui est au centre de l'attention, il va
voir un psy. Le pauvre a des soucis avec ses parents et doit résoudre
ça. Dans Brillantissime,
le premier film de Michèle Laroque situé à Nice, elle consulte
également un psy, cela faisait longtemps que je n'avais pas vu des
situations et dialogues aussi peu inspirés, des mouvements
scénaristiques aussi improbables. Ici, c'est la comédie à la Jean
Girault (quand il tournait sans Louis de Funès) auquel le film
ressemble, rien ne sonne juste dans cet étalage de conventions.
Terminons
avec les deux films sortis le plus récemment. Taxi
5 continue à Marseille comme
il avait commençait avec Gérard Pirès et Gérard Krawczyk. Franck
Gastambide poursuit son comique entamé dans Les
Kaïras et Pattaya
avec une nette prédilection pour la valeur excrémentielle. Comme on
le sait, la merde et le vomi ne sentent rien au cinéma mais ils font
toujours leur petit effet quand ils sont déversés sur le
spectateur. Le comique de Gastambide est très régressif avec des
personnages secondaires totalement à côté de leurs pompes, c'est
un comique physique où le corps est moqué, ce comique a souvent du
mal à se développer dans la franchise insipide qu'est Taxi.
Venons-en pour finir avec l'acteur le plus détesté de France :
Kev Adams. Film après film, il n'en finit pas de chercher à
modifier son image de marque. Après l'ado fêtard dans Gangsterdam,
après l'alpiniste plein de morgue dans Tout
là haut, il devient un
séducteur dans Love addict (à
vrai dire le vrai sujet est le harcèlement sexuel, le récit se
permet aussi une pénible blague homophobe)
Kev Adams change de corps pour l'occasion, muscu, épilation du torse
(il apparaît souvent sans chemise) et coiffure à la mode (une sorte
de vague sur le crâne) mais ce qui reste est sa voix et son
élocution que le jeune acteur ne parvient pas à moduler. Le ton
monocorde avec lequel il donne ses répliques comiques fait échouer
de nombreux gags. L'ambition de Kev Adams est de varier ses rôles,
voir ce qui lui convient (le film comique, l'aventure, la comédie
romantique), il cherche a priori à sortir du carcan du cinéma pour
enfants de moins de 10 ans, comme Michael Youn au début du siècle,
il a du mal à en sortir.
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