Tout
comme Tuer,
La
Lame diabolique est une
adaptation d’un roman de Renzaburô Shibata. Les deux films sont
liés par des figures et thèmes similaires : le Mal qui ronge
les personnages, les complots politiques, les ellipses narratives, un
enfant bâtard adopte et Raizô Ichikawa. L’acteur incarne cette
fois Hanpei (ce qui se traduit par le « tacheté »),
jardinier de 23 ans qui travaille pour un suzerain à l’époque
féodale.
Son
nom, il le tient de sa naissance que Kenji Misumi filme avec poésie.
Kin, sa mère, était la première suivante de la mère du suzerain.
Kin est morte peu de temps après sa maîtresse en promettant de
garder son chien. Quand son enfant nait, des mauvaises langues
l’accusent d’avoir forniqué avec le chien. Pendant toute sa vie,
que le cinéaste résume à une phrase, Hanpei a été surnommé le
« fils du chien ».
Sujet
des moqueries des autres vassaux, Hanpei cultive dans son lopin de
terre des fleurs. Son père adoptif décédé, il vit désormais
seul. Il mène une vie modeste. Les saisons passent, là encore de
manière très elliptique, et un Kanbei (Kei Satô), le capitaine du
seigneur, l’engage pour s’occuper du jardin du château. Le jeune
homme fait un bon travail, les chrysanthèmes s’épanouissent dans
la cour.
Les
guerres se sont tues (à cause du manque d’argent dit un vassal)
mais le suzerain est menacé dans son pouvoir. Ses lieutenants les
plus proches se rendent compte qu’il devient fou. Dans le jardin,
il est pris de panique devant des abeilles et lacère les fleurs de
son épée. Hanpei, observant caché, jette une pierre sur l’épée
du suzerain qui fulmine de rage. Kanbei, pour le calmer, lui dit que
ce caillou a du tomber du ciel. Il n’en faut pas plus pour rassurer
le fou.
La
folie ne doit pas être divulguée au shogun qui risquerait de
s’emparer des terres du suzerain. Le capitaine Kanbei, qui a bien
observé le jardinier, va employer Hanpei comme tueur. Pour deux
raisons, Hanpei a le pas rapide, il ne doit pas son surnom de fils de
chien pour rien. Il court plus vite que tout le monde et rattrape
même les chevaux. Il est aussi un fin sabreur. Il a fait son
éducation auprès d’un rônin dans une scène d’à peine une
minute, sens de l’ellipse oblige.
La
Lame diabolique passe
constamment entre les deux tempéraments d’Hanpei. D’un côté,
c’est un tueur accompli qui d’un coup de lame tue tous les
espions qui pourraient mettre en péril l’autorité du suzerain. De
l’autre, c’est un jardinier hors pair qui ne vit que pour ses
fleurs. Sa douceur et sa candeur sont accentuées par sa rencontre
avec Osaki (Michiko Sugata), la fille d’un paysan qui vient livrer
des légumes chez lui.
Comme
dans Tuer,
le destin et la fatalité détermine la vie du héros de La
Lame diabolique. Jamais
Hanpei n’aura l’occasion de choisir son avenir. Sa naissance le
conduit à la pauvreté, sa loyauté au suzerain le pousse à
augmenter le nombre de ses ennemis qui veulent en découdre, son
habileté au sabre le rend un tueur imbattable. Le sabre qui lui sert
d’arme est maudit, Hanpei le sait et choisit de décider, pour la
seule fois de sa vie, le destin funeste que ce sabre lui promet.
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