Il
faut attendre 40 minutes, l'équivalent de deux bobines film 35 mm,
pour que Brian De Palma daigne montrer le bout de son nez et balance
sa grande mise en scène et son style. Navette spatiale en direction
de Mars. Epoque : l'année 2021. Présents quatre astronautes
américains de la NASA. Woody (Tim Robbins), Terry (Connie Nielsen) –
tous les deux sont en couple, Phil (Jerry O'Connell) et Jim (Gary
Sinise). Ils s'apprêtent à se poser sur la planète rouge et
actionnent les commandes en écho avec l'ordinateur.
Soudain,
de minuscules météorites atteignent la navette. Phil projette sa
main contre un écran de contrôle en verre et du sang coule. La
magie des effets spéciaux opère, le sang en fines gouttelettes est
aspiré par la brèche. Woody va colmater ce trou. La séquence
rappelle l'apesanteur subie par Tom Cruise dans Mission
impossible lors de l'intrusion
dans les bureaux du FBI. Plus encore que dans ce précédent film,
Brian De Palma joue sur la verticalité et l'horizontalité des corps
qui se déplacent avec lenteur et minutie.
La
musique d'Ennio Morricone joue un tempo volontairement lent. Quatre
notes lancinantes au synthétiseur (un Hammond ou un Moog) appuyées
par une ligne de basse aux accords graves puis quelques notes aiguës
de violon pour accentuer la tension. Ce qui frappe est la belle idée
d'opposer la modernité de la technologie de la navette (ordinateur
etc) et la ligne simplissime et presque archaïque de la musique. Une
manière radicale de décrire que justement cette technologie se
détraque et menace les astronautes.
La
mission pour Mars a pour but de sauver Luke (Don Cheadle) parti
quelques mois plus tôt avec d'autres astronautes (des seconds rôles
qui meurent tous, comme souvent les seconds rôles). La technologie
c'est aussi dans Mission to
Mars les effets spéciaux que
n'a jamais Brian De Palma utilisé aussi intensément, parfois avec
une rare laideur accentuée avec le temps, comme l’engloutissement
par un vers de sable des premiers astronautes. Seul Luke survit à
l'attaque de cette tempête de sable martienne.
Les
avanies se poursuivent pour l'opération de sauvetage avec
l'explosion du moteur de la navette spatiale puis l'arrivée du
deuxième équipage largué dans l'atmosphère de la planète rouge.
La technologie ne peut rien, c'est pour cela que Luke, isolé plus
d'un an sur Mars, a construit une serre où il fait pousser des
plantes et recueille de l'eau (15 ans avant l'agréable Seul
sur Mars de Ridley Scott et 28
ans après Silent running
de Douglas Trumbull où Bruce Dern faisait l'agriculteur mais vers
Saturne et dans sa fusée).
Mission
to Mars est un hommage à 2001
l'odyssée de l'espace. En
début de film, Jim pose son empreinte sur les cailloux rouges de son
jardin et par un simple raccord on passe au sol martien. Plus tard,
la vie quotidienne est décrite, les personnages font du sport,
lisent ou dansent sur du Van Halen dans une roue de la même manière
que Stanley Kubrick abolissait la gravitation dans une description
réaliste de l'espace. En revanche, dans Mission
to Mars, le son des moteurs
existe dans cet espace inter-sidéral.
Le
film est loin d'être parfait. Ce qui navre le plus est le couple Tim
Robbins Connie Nielsen. Il faut le rappeler, un couple dans une
mission si risquée et lointaine ne peut apporter que des ennuis.
Quand Woody décide de se sacrifier pour sauver ses trois autres
compagnons, on a droit à une scène d'une grande mièvrerie, certes
c'est une façon d'apporter encore du suspense. De la mièvrerie, on
peut aussi en trouver dans la séquence où une martienne instruite
les Terriens sur leur origine, une réponse naïve aux adeptes du
créationnisme. Malgré tout, j'aime cette séquence.
Sur
le dernier plan du film, THE END apparaît en toutes lettres. En 2000
quand sort Mission to Mars,
plus aucun film n'écrit The End en fin de film. Mon hypothèse, 18
ans après la sortie du film, est que Brian De Palma faisait ses
adieux à Hollywood, lassé par cette expérience de film de science
fiction catastrophe où il a pu mettre si peu de lui-même. Ses films
suivants seront produits par des producteurs français et parfois
tournés en France comme Femme
fatale. Je les aime un peu
mais pas autant que ses films américains.
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