Le
cinéaste japonais Isao Takahata, fleuron de Ghibli, est mort jeudi 5
avril à l'âge de 82 ans. Sur mon ancien blog, AsieVision, j'avais
écrit sur la plupart de ses films, tous aux dessins variés,
Panda petit panda, Goshu le violoncelliste, Kié la petite peste, Souvenirs goutte à goutte, Pompoko,
Mes voisins les Yamada, Le Conte de la Princesse Kaguya
et Le Tombeau des
lucioles
son film le plus connu, sorti le même année que Mon voisin Totoro
de Hayao Miyazaki, qui
semble en être l’antithèse si ce n’est que dans les deux films,
les deux enfants souffrent de leur grande solitude face à l’absence
de leur mère.
La
maladie de la maman des petites filles dans Mon
voisin Totoro, la mort
de celle du grand frère et de la petite sœur dans Le
Tombeau des lucioles.
La douleur est grande dans les deux cas et plus grave chez Isao
Takahata parce que le film se déroule dans les derniers mois de la
seconde guerre mondiale quand les avions américains bombardent le
Japon. C’est lors d’un bombardement que la mère est brûlée
vive, comme de nombreux autres villageois, laissant les deux enfants
seuls.
L’aîné
est Seita. Il porte son uniforme de collégien. Sa petite sœur est
Setsuko qui n’aime rien d’autre que manger des bonbons aux
fruits. Ils espèrent que leur père, soldat dans la marine, va venir
s’occuper d’eux. Il ne viendra jamais, la flotte est décimée.
Ils vont se réfugier chez une parente éloignée qui les accueille à
bras ouverts mais très vite, les deux enfants doivent déchanter.
Elle vend les kimonos de leur défunte mère pour acheter du riz. Son
caractère va changer quand elle leur reproche de n’être que des
oisifs et profiteurs.
Le
film est une chronique de leur lente et inexorable déchéance. Dans
Mon
voisin Totoro, la plus
petite allait se réfugier dans un tunnel qui accédait à la forêt
magique. Ici, c’est un abri au bord d’une rivière qui leur sert
de refuge après être partis de chez la parente ingrate. Mais,
l’abri ne mène nulle part. Seita part dans leur ancienne maison
chercher des duvets, un réchaud, une moustiquaire. C’est d’abord
un jeu pour eux, chacun vaquant à sa tâche, puis la nourriture
vient terriblement à manquer.
La
pénurie de repas n’est pas le seul danger. Les avions continuent
de lancer leurs bombes qui éclairent la nuit rouge de points rouges.
Dans leur petit abri, les lucioles qu’ils ramassent à la tombée
de la nuit et qui éclairent leur sommeil de leur lumière jaune et
douce. L’inquiétude des bombes qui tombent au sol face à l’esprit
rassurant des lucioles qui s’élèvent. Chacun de ces deux éléments
annonce pourtant la mort qui va s’emparer du corps des deux
enfants. Les lucioles, si protectrices, sont des insectes éphémères
que Setsuko enterre le matin.
La
douceur avec laquelle Isao Takahata filme la fin des deux enfants
(Seita apparait mort dès l’ouverture du film) est d’une grande
violence. Solitude, maladie, faim. Tout autant que l’indifférence
des enfants devant le sort des deux gamins. La parente qui se plaint
d’eux après les avoir volés, un vieux paysan qui refuse de leur
donner à manger en sirotant son thé, un fermier qui roue de coups
Seita qui a arraché des patates. Le film est la métaphore d’une
société qui s’effondre et qui tue ses enfants.
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