Il
n'y a que Jean-Luc Godard pour appeler un film aussi peu
conventionnel Un film comme les autres. Il est à cette
époque, juillet 1968, dans le travail collectif du cinéma avec le
Groupe Dziga Vertov cherchant à abandonner son statut de vedette du
cinéma français, d'auteur star et de « plus con des Suisses
pro-chinois ». Dans un terrain vague, au milieu des herbes
folles, pas loin d'un immeuble de banlieue (en l'occurrence Flins
près de l'usine Renault où les derniers soubresauts de Mai 68 ont
eu lieu), il filme cinq personnes, deux étudiants et trois ouvriers,
quatre hommes et une femme en train de discuter.
La
caméra est trop loin, plan large d'ensemble, ou trop près, plan
rapproché sur les dos, pour même distinguer qui sont ces gens, mais
ils parlent pendant plus de 100 minutes des événements, comme on
disait jadis. Une discussion aux couleurs chatoyantes de l'été, une
mis à plat de ce qui s'est vécu, les regrets et les espoirs de
voir les « 40000 étudiants lutter à côté de la classe
ouvrière ». Jean-Luc Godard a beau vouloir s'effacer derrière
le collectif, sa touche sonore est immuable, ces mélanges et
juxtapositions de paroles, ce montage où il décide ce que le
spectateur peut entendre, une sélection anti-naturaliste.
Les
longues scènes bucoliques sont coupées de larges moments de Mai 68,
j'imagine pris sur le vif, peut-être ces fameux ciné-tracts pris
par Godard et ses amis, manifestations ouvrières et AG des étudiants
(tiens voici Dany le Rouge), collage d'affiche, confection et
distribution de tracts, occupation des usines et des universités,
interventions policières contre-manifestation des soutiens à De
Gaulle et Pompidou. Toutes ces images sont en noir et blanc, l'unique
son sur ces images est celui des cinq personnes. Ce sont déjà des
images du passé, de l'histoire ancienne, le cinéaste est déjà
passé à autre chose et acte la fin de la révolution étudiante et
syndicale.
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