Ah
cette affiche des Saisons du plaisir avait fait parler d'elle,
un champignon érectile et une poire callipyge accrochés à un vieux
chêne tel le personnage de Charles Vanel, centenaire qui s'apprête
à annoncer à ses employés son retrait de l'entreprise familiale de
parfums. Jean-Pierre Mocky embauche les doyens du cinéma français
de l'époque, Charles Vanel et Denise Grey, ils avaient 95 et 89 ans,
ils sont tous les deux pleins de verve, ravis de pouvoir débiter les
superbes répliques et dialogues que le cinéaste leur a concocté.
Bien-sûr,
comme le montre l'affiche, il est question uniquement de cul et de
sexe dans Les Saisons du plaisir. Le sexe, ils en parlent
beaucoup mais ils éprouvent surtout de la frustration et déploient
quelques perversions cocasses à défaut d'être scabreuses. Denise
Grey conseille ainsi à sa fille Jacqueline Maillan de prendre du
bromure, mais avec du lait pour adoucir la chose. Il faut dire que
l'époux de Jacqueline, le nommé Garibaldi (Jean Abeillé) ne peut
plus utiliser son engin depuis un coup de feu reçu dans les
couilles.
Jacqueline
est à la pointe de la technologie de 1987, elle pratique le minitel
rose, sous le pseudonyme de « Coquine », son plus fidèle
client est Crapaud Pervers qui adore dire ses saloperies au téléphone
mais quand la maman décroche le combiné, Jacqueline se fait gronder
comme une enfant. La Maillan habillée en tutu et bustier roses, voix
sur-aiguë, est génialement drôle en vieille dame indigne lisant
une histoire érotique d'un autre âge comme si elle lisait les 3
petits cochons à un enfant.
Plein
d'acteurs des années 1980 pour un film de troupe plutôt que choral
réunis dans un château de l’Hérault, décor unique des Saisons
du plaisir (ce qui économiquement est très rentable, ce qui
n'empêche pas Mocky d'avoir trois Rolls Royce comme accessoires,
c'est qu'on est chez un homme d'affaires très fortuné). Un prétexte
scénaristique : le vieux Charles doit annoncer son successeur à
la tête de la boîte lors de la réunion de ses meilleurs vendeurs
tous incroyablement dessinés par le cinéaste, une jouissance
absolue.
Jean-Luc
Bideau passe son temps à s'empiffrer. Sa femme Bernadette Lafont,
période blonde platine, surveille sa fille pour lui éviter de
rencontrer des garçons. Jean Poiret nouveau riche, arrogant, cause
de sa Jaguar et drague les jeune filles (dont Judith Godrèche dans
un de ses premiers rôles). Roland Blanche, vieux dégueulasse file
500 francs à toutes les femmes en espérant en dégoter une. Darry
Cowl en vieil homo « et plus tu désires une chose et plus
cette chose s'éloigne de toi », sans pouvoir donner l'auteur
de cette citation.
Comme
je l'écrivais dans mon hommage à Stephane Audran, l'actrice est
pour la première fois dans un Mocky et elle fait un hilarant duo
avec Sylvie Joly (une habituée de son univers) de nymphomanes
pathétiques. Elles proposent à deux gardiens de la centrale
nucléaire (Tchernobyl était dans toutes les têtes), deux nigauds
incarnés par Bernard Menez et Richard Bohringer de regarder avec
elles du pornos. Frustrés de n'avoir pas pu coucher avec elles, ils
se satisferont l'un l'autre « t'as un cul de reine » « et
toi t'as une bite de roi ».
Ces
briscards de la comédie sont confrontés à des acteurs moins
aguerris. Si Jean-Pierre Bacri en impuissant et Fanny Contençon en
muse pour ados se débrouillent bien, Hervé Pauchon et Sophie Moyse
sont moins percutants, quant aux jeunes, ils débitent les répliques
avec peu de conviction. Mais ce qui importe est la lutte des classes
sociales, de la domination des maîtres sur les domestiques synonyme
d'homosexualité, Eva Darlan veut toucher la cuisinière poilue,
Darry Cowl veut tâter les muscles du jardinier.
Les
Saisons du plaisir, comme tout bon Mocky, est court et brasse
avec tant de personnages de nombreux sujets d'actualité. Je l'ai
toujours considéré comme son dernier grand film avant une longue et
inexorable baisse en qualité. On trouve encore un peu d'esprit de
Jean Renoir dans ce film, avec cette idée justement de passer des
cuisines au salon, des domestiques aux employés avant que la grande
catastrophe nucléaire n'arrive comme la seconde guerre mondiale
arrivait, histoire de rappeler que le cul c'est bien mais seulement
si on est encore vivant.
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