Amadeus
a été l'occasion pour Milos Forman de revenir dans son pays natal
15 ans après l'avoir quitté (Claude Berri dans son beau livre de
souvenirs raconte cette traversée de l'Europe dans la Mercedes de
Forman offerte par Carlo Ponti). Tourner en Tchécoslovaquie a permis
au cinéaste de trouver des décors authentiques sans avoir à les
reconstituer. Le générique de fin indique que la maison de l’évêque
de Prague a servi de décor pour le palais impérial. Il est aussi
noté que Milos Forman a tourné dans le théâtre où Mozart avait
dirigé Don Giovanni.
Pour
son troisième film musical en costumes (après Hair situé
dans les années 1960 et Ragtime dans les années 1920), Milos
Forman cherche un plus grand réalisme. Dans les films biographiques,
le réalisme (sauf dans Barry Lyndon) est rarement prisé.
Deux valets (l'un est joué par Vincent Schiavelli, l'acteur fétiche
du cinéaste dans son unique scène pour Amadeus) entendent
crier leur maître et se précipitent devant sa chambre. Seules
quelques bougies les éclairent. Ils commencent à se goinfrer du
gâteau qu'ils tiennent. Leur maître Salieri (F. Murray Abraham)
s'est tranché la gorge.
On
le retrouve dans un hôpital de Vienne, ce qui frappe dans ce lieu
est la dureté des conditions des malades (ils vivent dépenaillés,
certains sont enchaînés, les gardiens ont des fouets). Dans cette
entrée en matière, le spectateur doit être frappé par ce
réalisme, ce naturalisme. Ce réalisme en début de film est une
astuce pour assurer au spectateur que ses yeux ne vont voir que la
vérité. Cette vérité est un long flash-back donné par Salieri à
l'épilogue de sa vie. Il semble se confier à un curé venu le
confesser, Salieri en se suicidant a lancé un ultime défi à Dieu.
Amadeus,
aimé de Dieu. « Comment cette créature vulgaire peut-il être
la main de Dieu » demande Salieri. La première apparition de
Mozart est en enfant, il joue du clavecin les yeux bandés, le petit
prodige passe ensuite au violon. C'est une attraction pour la cour.
Ce bandeau sur les yeux est une belle métaphore de la position que
Mozart (Tom Hulce) aura toute sa vie, il est totalement aveugle de ce
que peuvent penser les autres. Il dit ce qui lui passe par la tête
sans se soucier du protocole, ce qui produira cette haine immédiate
de Salieri, le compositeur de la cour autrichienne.
Salieri,
introduit à la cour de l'empereur Joseph II (Jeffrey Jones) est un
homme sérieux et austère, il est en opposition frontale avec la
dérision de Mozart. Ce dernier est pourvu d'un rire infantile qu'il
déclame à chaque phrase. C'est un coureur de jupons et par coureur,
il faut comprendre que lors de la première réception devant
l'empereur, Mozart, sans que Milos Forman ne montre encore son visage
de poupon, le filme courant dans toutes les pièces du palais pour
poursuivre de ses assiduités une jeune femme.
Ils
sont en train de batifoler sous une table du buffet quand la musique
résonne dans la pièce voisine. La musique a commencé sans Mozart.
Frivole en amour mais immédiatement sérieux dans sa musique. Il est
présenté aux conseillers artistiques de l'empereur, tous des
Italiens, telle était la mode. Croyant faire un compliment à
Salieri, il lui annonce que sa musique est superbe (Salieri sourit de
contentement) mais qu'elle mériterait quelques améliorations (mine
grise de Salieri). Mozart se met au piano et recompose le morceau de
Salieri.
Les
perruques, Mozart en choisit des nombreuses avec des couleurs variées
qu'il porte selon ses humeurs. Un déguisement qui masque les effets
du réel sur le personnage d'Amadeus. L'énergie de Tom Hulce et son
changement physique sont démentiels. Le luxueux appartement de
Mozart et de sa femme Constanze (Elizabeth Berridge) devient un
taudis. Mozart ne passe son temps qu'à écrire, des premiers jets
que Salieri découvre. Le conseiller ne peut que constater le génie
de Mozart tout en déplorant que Dieu lui a tout refusé.
Son
excentricité passe mal auprès du collège qui veut le censurer.
« Trop de notes » sort l'air satisfait de lui l'un des
conseillers de l'empereur, un vieillard de l'ancienne école. Là est
la plus grande métaphore du film de Milos Forman, il parle de
Hollywood, de l'académisme, du poids des producteurs, des projets
rejetés (Les Noces de Figaro) par jalousie et incompétence, du
cinéma populaire (la création de La Flûte enchantée comme on
produit une comédie populaire) jusqu'à l’œuvre ultime, ce
requiem commandé par Salieri jusqu'à la mort pour laquelle ce
dernier se sent coupable.
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