Il
y a tout juste 40 ans sortait Bronco Billy sur les écrans
américains (en ce temps-là, les films mettaient ensuite plusieurs
mois à sortir en France) et aujourd'hui Clint Eastwood a 90 ans. Bon
anniversaire à lui. Au train où ça va, il va continuer à réaliser
des films encore longtemps. Bronco Billy n'est pas le film le
plus connu de Clint Eastwood coincé entre quelques projets peu
personnels que je n'aime pas beaucoup. C'était avant que tout le
monde ne découvre Honky Tonk Man en 1982.
« Everybody
loves cow-boys and clowns » dit la chanson qui illustre le
générique d'ouverture où la caméra s'approche lentement du
chapiteau du cirque de Bronco Billy, le Wild West Show. Peu de monde
dans le parking, peu de monde pour assister au spectacle dans cette
contrée perdue du Montana dans les couleurs de l'automne qui arrive.
Mais le spectacle commence et c'est l'occasion pour Clint Eastwood de
présenter ses partenaires à l'écran.
Le
Monsieur Loyal est Doc (Scatman Scrothers), tout sourire qui
encourage à applaudir les rares spectateurs. Sur la piste se
suivent, le chef Indien Big Eagle (Dan Vadis) le dompteur de serpents
et sa femme Petite Source (Sierra Pecheur), l'homme au lasso Leonard
Jones (Sam Bottoms). Les numéros ne sont pas terribles et sont
lancés sur des ressorts comiques avec l'Indien qui se fait mordre
par l'un de ses crotales. Mais le clou du spectacle arrive.
Bronco
Billy (Clint Eastwood) fait enfin son entrée, vanté par Monsieur
Loyal d'être la plus fine gâchette de tout l'ouest, d'être un
tireur d'élite. Sa jeune assistante jette des assiettes, il les tire
comme des pigeons avec ses revolvers. Les enfants adorent. Puis, il
ligote l'assistante sur une roue que Leonard et Main Gauche (Bill
McKinney) font tourner. Au grand effroi de le jeune femme qu'il a
recrutée quelques heures auparavant comme il le fait chaque fois.
Une
ville suit une autre, mais les recettes sont maigres et la petite
troupe se plaint à Doc de ne pas avoir été payée depuis six mois.
Sous la pluie, Bronco Billy klaxonne trois fois, arrête le convoi et
vient faire la morale à toute le monde. A vrai dire, il les
culpabilise. Il leur rappelle qu'il les a tous aidés jadis quand ils
en avaient. Ah, il les a sauvés et eux, ces ingrats, voudraient
maintenant partir ? Penauds, ils s'excusent et tout le monde
repart.
C'est
que Bronco Billy aime bien faire ses petits discours paternalistes.
Ce sont des discours que Clint Eastwood professe sous le signe de
l'humour. Il n'hésite pas à se ridiculiser lui-même en les tenant.
Avec les enfants dans les gradins, c'est pareil. Il les appelle « mes
petits crapauds » (pardners en anglais), dans ces sous-titres
qui savent bien dénoter le ton ironique de tout le film –
l'expression m'a toujours amusé. Puis, il leur demande d'être bien
sage, d'obéir aux parents et de faire leur prière.
L'une
qui n'est pas franchement sage, c'est Antoinette Lily (Sondra
Bullock). Elle n'est pas encore dans la troupe de Bronco Billy. Pour
l'instant en ce début de film, elle n'est qu'une héritière partie
se marier en cachette dans l'Idaho avec un coureur de dot, John
Arlington (Geoffrey Lewis). Elle compte échapper à sa belle-mère
Irene (Beverly McKinsey) qui vit à New York. Pour tout dire,
Antoinette est une peste et sa nuit de noce le montre clairement.
Seulement
voilà, ce mari délaissé se fait la malle le lendemain. Antoinette
lui avait dit, recouverte d'un masque de beauté en argile vert « Si
vous me touchez encore sans ma permission, j'annule la procuration
sur mon compte ». Il pique ses affaires, ses bijoux et la
laisse sans une pièce pour téléphoner à cette belle-mère qu'elle
déteste. Il ne reste que Bronco Billy pour lui prêter les 10 cents
pour appeler en PCV. Ça sera retiré de son salaire.
Vêtue
d'une pauvre robe grise qu'elle a piqué dans une station service,
Miss Lily, comme tout le monde va désormais l'appeler, se trouve
bien penaude. Bronco Billy l'a déjà embauchée pour devenir sa
cible sur la piste du cirque. Mais elle ne l'entend pas comme ça.
Elle se montre vite revêche et rebelle. Pire que ça, elle montre à
son patron qu'elle sait aussi bien tirer au revolver que lui. Clint
Eastwood fronce les sourcils comme il sait si bien le faire.
Il
faut voir dans ses premières scènes à côté de Clint Eastwood,
Sondra Locke courir comme un petite chatte insolente derrière ce
géant. Ces deux corps si différents, ces deux personnalités
pourvues de mentalités si opposés, sont ce que je préfère dans le
film. Le film trouve le parfait tempo dans sa première demi-heure
pour ce comique un peu caustique que Clin Eastwood élabore. Il
aurait pu tourner plus de comédies.
Tout
dans Bronco Billy énerve Miss Lily et c'est cela qui est drôle dans
tout le film. La comédie se déroule parfaitement bien dès qu'elle
est, contrainte et forcée, de rester dans la troupe, toujours avec
cette pauvre robe. Elle doit subir la radinerie de son patron, son
goût pour la country, les bagarres dans les saloons, les
représentations dans les orphelinats. Et un jour, elle lit dans le
journal que John Alington est accusé de l'avoir assassinée. Elle
décide donc de rester.
Les
spectateur l'a compris à l'avance, Miss Lily et Bronco Billy sont
amoureux l'un de l'autre. Les chamailleries perpétuelles en
témoignent. Il faudra évidemment du temps pour qu'ils s'en rendent
compte réciproquement. Le film fonctionne ainsi, un road movie où
chaque étape, chaque show donné est l'occasion de mieux connaître
chacun. Car ce que disait Monsieur Loyal en début de film n'est
qu'une image, pour tout dire un cliché du far-west.
Les
coups durs permettent à Clint Eastwood de creuser les personnalités
de chacun. Antoinette découvre petit à petit ce qui a réuni la
petite troupe et ce qui les fait tenir ensemble depuis une dizaine
d'années. L'humour potache du début se transforme petit à petit en
tendresse jusqu'au finale faussement démagogique mais vraiment
émouvant, droit dans les yeux du spectateur, où Clint Eastwood
remercie d'être venu assister à ce joli spectacle qu'est le petit
cirque de Bronco Billy.
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