mercredi 6 mai 2020

Rencontres du troisième type (Steven Spielberg, 1977)

La belle idée de Jean-Claude Biette dans sa critique, peu élogieuse, parue dans les Cahiers du cinéma en 1978 sur le choix de François Truffaut pour jouer Lacombe me plaît : celui qui connaît la vérité sur les OVNI, true-UFO, Truffaut. Le jeu de mots est bien trouvé, je ne sais pas s'il est volontaire de la part de Steven Spielberg. Quoique, dans E.T., l'enfant s'appelle ElliotT.

Donner la vérité, c'est ouvrir grand les yeux. C'est d'autant plus paradoxal que le prologue du film se fait dans une environnement bouché à la vue. Une grande tempête de sable empêcher de bien distinguer. On discerne des hommes, Lacombe en tête, chercher ce qui ne devrait pas se trouver en plein désert : des avions disparus depuis 1945.

L'ouverture de Rencontres du troisième type est typique des années 1970, elle joue sur le mystère, sur un ailleurs surtout avec ce désert qui me fait penser au prologue de L'Exorciste. Mais Steven Spielberg ne cache pas longtemps ses extra-terrestres et ses vaisseaux spatiaux. Au contraire il les montre dans toute leur splendeur.

Pour ça, il a une astuce toute simple, faire apparaître les objets non identifiés de nuit. Les navettes coupent toute l'énergie, l'électricité ne fonctionne plus. C'est une nuit noire où les lumières multicolores et clignotantes composent une imagerie magique et enfantine. Personne (aucun spectateur ni personnage) ne peut penser qu'une guirlande puisse faire du mal.

Dans mon souvenir lointain du film, il y avait de nombreux témoins de ces phénomènes. Ils ne sont que trois à être obsédé par ce qu'ils ont vu sans savoir ce que c'est exactement qui trotte dans leur tête. Il s'agit vraiment d'une obsession et Steven Spielberg la filme comme telle. Ces trois là ne peuvent rien faire d'autre.

L'électricien Roy Neary que joue Richard Dreyfuss est un bon gars, père de famille. Mais il fait peur à sa femme quand il passe tout son temps à sculpter ce monticule qu'il a dans la tête. Richard Dreyfuss n'y va pas avec le dos de la cuiller pour jouer cette obsession, il l'incarne avec ce regard de fou, c'est vraiment le grand guignol par moment.

Il a déjà reproduit plusieurs fois le Devil's Tower, notamment pendant le repas avec la purée. Mais je pense à cette scène où il va dévaster tout le jardin, rentrer les plantes vertes, le grillage de la voisine et des briques pour arriver à une sculpture plus vraie que nature. Je ne sais pas si Spielberg pensait qu'on n'aurait pas compris du premier coup.

Bien-sûr, c'est pour montrer que leur esprit est entièrement pris par cette vision, ce but à atteindre tandis que Lacombe et les militaires ont reçu le message extra-terrestre qui leur a donné les coordonnées du site où ils vont se rencontrer. Ray et d'autre savent qu'ils doivent s'y rendre mais ils ne le savent pas encore.

C'est étonnant de voir les efforts des militaires pour expulser la population autour du site en ces temps de Covid19. Ils annoncent qu'un virus menace les habitants. Ils mettent en scène cette menace, ils diffusent de l'anesthésiant pour cacher leur projet de rencontre. Ils portent des masques pour se prémunir du prétendu virus.

L'ascension de la montagne du Devil's Tower évoque La Mort aux trousses. J'y vois une filiation volontaire de la part de Steven Spielberg. Cette main tendue de Jillian à Ray, quand il manque de tomber, rappelle celle entre Cary Grant et Eva Marie Saint. Mais Ray est ce même héros perdu dans un récit qu'il ne contrôle pas.

Ray Neary sculpte mais Jillian (Melinda Dillon) une de ses voisines dessine le Devil's Tower. De plus en plus précisément. Elle a la même obsession mais décuplée puisque son fils a été enlevé ce jour-là par les aliens. L'enfant ne dessine pas mais il reproduit avec son petit xylophone la mélodie des extra-terrestres.

Sublime idée que cette mélodie très simple composée de cinq notes que Lacombe a repéré lors de ses nombreux voyages en Inde, c'est pas très bien emmené dans le récit mais Spielberg ne cherche qu'à montrer l'universalité des rencontres, ne pas se centrer sur les USA. C'est beau cette vision que le son donne des couleurs, d'une poésie toute simple.

Il se diffuse aussi une aura toute biblique dans l'annonce des vaisseaux spatiaux avec l’amoncellement de nuages, comme celui dans Les 10 commandements quand Dieu apparaît sur la montagne à Moïse (Spielberg le reproduira dans la dernière scène des Aventuriers de l'arche perdue). C'est un effet un peu grandiloquent mais porteur de mystère.


La rencontre au pied de la montagne est mon moment préféré du film, surtout quand la mélodie devient une toccata colorée, que tout s'emballe dans une euphorie, moi aussi, comme Ray, j'ai envie d'être à côté de Lacombe. Hélas, tout ce qui suit est un peu gâché par une pathos mièvre : le retour des pilotes et du fils de Jillian et le salut des aliens aux Terriens.

































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