La
belle idée de Jean-Claude Biette dans sa critique, peu élogieuse,
parue dans les Cahiers du cinéma en 1978 sur le choix de François
Truffaut pour jouer Lacombe me plaît : celui qui connaît la
vérité sur les OVNI, true-UFO, Truffaut. Le jeu de mots est bien
trouvé, je ne sais pas s'il est volontaire de la part de Steven
Spielberg. Quoique, dans E.T., l'enfant s'appelle ElliotT.
Donner
la vérité, c'est ouvrir grand les yeux. C'est d'autant plus
paradoxal que le prologue du film se fait dans une environnement
bouché à la vue. Une grande tempête de sable empêcher de bien
distinguer. On discerne des hommes, Lacombe en tête, chercher ce qui
ne devrait pas se trouver en plein désert : des avions disparus
depuis 1945.
L'ouverture
de Rencontres du troisième type est typique des années 1970,
elle joue sur le mystère, sur un ailleurs surtout avec ce désert
qui me fait penser au prologue de L'Exorciste. Mais Steven
Spielberg ne cache pas longtemps ses extra-terrestres et ses
vaisseaux spatiaux. Au contraire il les montre dans toute leur
splendeur.
Pour
ça, il a une astuce toute simple, faire apparaître les objets non
identifiés de nuit. Les navettes coupent toute l'énergie,
l'électricité ne fonctionne plus. C'est une nuit noire où les
lumières multicolores et clignotantes composent une imagerie magique
et enfantine. Personne (aucun spectateur ni personnage) ne peut
penser qu'une guirlande puisse faire du mal.
Dans
mon souvenir lointain du film, il y avait de nombreux témoins de ces
phénomènes. Ils ne sont que trois à être obsédé par ce qu'ils
ont vu sans savoir ce que c'est exactement qui trotte dans leur tête.
Il s'agit vraiment d'une obsession et Steven Spielberg la filme comme
telle. Ces trois là ne peuvent rien faire d'autre.
L'électricien
Roy Neary que joue Richard Dreyfuss est un bon gars, père de
famille. Mais il fait peur à sa femme quand il passe tout son temps
à sculpter ce monticule qu'il a dans la tête. Richard Dreyfuss n'y
va pas avec le dos de la cuiller pour jouer cette obsession, il
l'incarne avec ce regard de fou, c'est vraiment le grand guignol par
moment.
Il
a déjà reproduit plusieurs fois le Devil's Tower, notamment pendant
le repas avec la purée. Mais je pense à cette scène où il va
dévaster tout le jardin, rentrer les plantes vertes, le grillage de
la voisine et des briques pour arriver à une sculpture plus vraie
que nature. Je ne sais pas si Spielberg pensait qu'on n'aurait pas
compris du premier coup.
Bien-sûr,
c'est pour montrer que leur esprit est entièrement pris par cette
vision, ce but à atteindre tandis que Lacombe et les militaires ont
reçu le message extra-terrestre qui leur a donné les coordonnées
du site où ils vont se rencontrer. Ray et d'autre savent qu'ils
doivent s'y rendre mais ils ne le savent pas encore.
C'est
étonnant de voir les efforts des militaires pour expulser la
population autour du site en ces temps de Covid19. Ils annoncent
qu'un virus menace les habitants. Ils mettent en scène cette menace,
ils diffusent de l'anesthésiant pour cacher leur projet de
rencontre. Ils portent des masques pour se prémunir du prétendu
virus.
L'ascension
de la montagne du Devil's Tower évoque La Mort aux trousses.
J'y vois une filiation volontaire de la part de Steven Spielberg.
Cette main tendue de Jillian à Ray, quand il manque de tomber,
rappelle celle entre Cary Grant et Eva Marie Saint. Mais Ray est ce
même héros perdu dans un récit qu'il ne contrôle pas.
Ray
Neary sculpte mais Jillian (Melinda Dillon) une de ses voisines
dessine le Devil's Tower. De plus en plus précisément. Elle a la
même obsession mais décuplée puisque son fils a été enlevé ce
jour-là par les aliens. L'enfant ne dessine pas mais il reproduit
avec son petit xylophone la mélodie des extra-terrestres.
Sublime
idée que cette mélodie très simple composée de cinq notes que
Lacombe a repéré lors de ses nombreux voyages en Inde, c'est pas
très bien emmené dans le récit mais Spielberg ne cherche qu'à
montrer l'universalité des rencontres, ne pas se centrer sur les
USA. C'est beau cette vision que le son donne des couleurs, d'une
poésie toute simple.
Il
se diffuse aussi une aura toute biblique dans l'annonce des vaisseaux
spatiaux avec l’amoncellement de nuages, comme celui dans Les 10
commandements quand Dieu apparaît sur la montagne à Moïse
(Spielberg le reproduira dans la dernière scène des Aventuriers
de l'arche perdue). C'est un effet un peu grandiloquent mais
porteur de mystère.
La
rencontre au pied de la montagne est mon moment préféré du film,
surtout quand la mélodie devient une toccata colorée, que tout
s'emballe dans une euphorie, moi aussi, comme Ray, j'ai envie d'être
à côté de Lacombe. Hélas, tout ce qui suit est un peu gâché par
une pathos mièvre : le retour des pilotes et du fils de Jillian
et le salut des aliens aux Terriens.
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