On
a beau avoir cherché, le seul moyen de voir un film de Jean-Claude
Biette c'est d'aller sur la plate-forme Henri. Voici Le Champignon
des Carpathes. Certes Biette n'est pas le cinéaste le plus connu
au monde, c'est même le contraire. Mais quelques vedettes ont tourné
avec lui, Mathieu Amalric et Jeanne Balibar. Mais c'est ainsi, aucun
film n'est jamais sorti encore en vidéo, DVD et BluRay. Ça viendra
un jour.
J'ai
rencontré mon premier film de Jean-Claude Biette en juin 1996,
c'était Le Complexe de Toulon. On n'était pas nombreux dans
la salle. J'avais aimé le film. J'avais écrit au cinéaste en
faisant passer ma lettre par Serge Toubiana alors rédacteur en chef
des Cahiers du cinéma (la revue servait aussi à ça, à transmettre
les courriers des lecteurs aux cinéastes), Biette m'avait répondu
quelques semaines plus tard. C'était émouvant pour moi.
Dans
Le Champignon des Carpathes Paris date de 1988, un Paris
autour de Belleville, de Botzaris, du Père-Lachaise, 11e et 19e
arrondissements. On y construisait beaucoup d'immeubles à l'époque,
les personnages circulent autour des palissades qui cachent les
chantiers. De la fenêtre de l'appartement en duplex de Tonie
Marshall, on aperçoit le Sacré-cœur d'un peu loin. Sur les murs,
pas franchement encombré, on distingue un tableau un peu naïf avec
un canard.
Dans
les parcs, on chasse le champignon. Mais ailleurs, plus loin, une
jeune femme s'évanouit avant d'être secourue par un homme en
combinaison. Biette filme une jeune femme agressée par un nuage de
centrale nucléaire. Le film date d'un an après Tchernobyl. Je ne
sais pas s'il existe un autre film français qui parle d'accident
nucléaire. En tout cas, pas avec la méthode de Jean-Claude Biette
qui consiste à ne pas tomber dans le film catastrophe.
Si
ce n'est pour la troupe de théâtre de Fairfax, le personnage de
metteur en scène de Howard Vernon. Il adapte Hamlet, la jeune femme
devait jouer Ophélie. Howard Vernon, c'était l'acteur fétiche de
Biette. Il a à peine changer en 25 ans depuis Alphaville. Il a
encore cette élocution un peu alanguie et ce léger accent
indéfinissable, sans doute parce qu'il a joué dans le dernier
Mabuse de Lang, j'y vois un accent allemand.
Biette
filme de jeune acteurs et actrices dans des postures romantiques qui
débitent des dialogues pas possibles. Tout est compréhensible et
l'ensemble forme un film franchement étrange. En théâtre et
littérature, Tonie Marshall joue un ancienne comédienne qui s'est
reconvertie en libraire. C'est à peine différent de Jacques Rivette
et de son Céline et Julie vont en bateau. Avec donc ce petit
supplément d'actualité qu'est Tchernobyl.
Tout
se recentre autour de Hamlet, de cette actrice absente que les
comédiens vont voir. Thomas Badek devient l'électricien du théâtre
et on comprend que Tonie Marshall est la fille de Howard Vernon. Des
jeunes garçons veulent voler le champignon pour se faire du pognon.
Les films de Biette sont un défi pour le cinéphile, c'est très
agréable de voir ses films, on n'y trouve jamais ce que l'on voit
dans les autres films. Par exemple, on croise Laura Betti enivrée au
whisky et Patachou au téléphone.
Il
existe un certain snobisme de ma part à aimer Biette. Voire un
dandysme. Je crois que ce que je préfère ce sont ces cinéaste
minuscules qui font des films fauchés et les blockbusters énormes
et couillons. En 1997, j'avais fait le grand écart en une journée :
voir Du jour au lendemain des Straub dans l'après-midi et Le
Cinquième élément de Luc Besson le soir. Les « films du
milieu », comme le disait Pascale Ferran, ça me fait chier.
Biette j'aime bien.
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