samedi 16 mai 2020

Le Champignon des Carpathes (Jean-Claude Biette, 1988)

On a beau avoir cherché, le seul moyen de voir un film de Jean-Claude Biette c'est d'aller sur la plate-forme Henri. Voici Le Champignon des Carpathes. Certes Biette n'est pas le cinéaste le plus connu au monde, c'est même le contraire. Mais quelques vedettes ont tourné avec lui, Mathieu Amalric et Jeanne Balibar. Mais c'est ainsi, aucun film n'est jamais sorti encore en vidéo, DVD et BluRay. Ça viendra un jour.

J'ai rencontré mon premier film de Jean-Claude Biette en juin 1996, c'était Le Complexe de Toulon. On n'était pas nombreux dans la salle. J'avais aimé le film. J'avais écrit au cinéaste en faisant passer ma lettre par Serge Toubiana alors rédacteur en chef des Cahiers du cinéma (la revue servait aussi à ça, à transmettre les courriers des lecteurs aux cinéastes), Biette m'avait répondu quelques semaines plus tard. C'était émouvant pour moi.

Dans Le Champignon des Carpathes Paris date de 1988, un Paris autour de Belleville, de Botzaris, du Père-Lachaise, 11e et 19e arrondissements. On y construisait beaucoup d'immeubles à l'époque, les personnages circulent autour des palissades qui cachent les chantiers. De la fenêtre de l'appartement en duplex de Tonie Marshall, on aperçoit le Sacré-cœur d'un peu loin. Sur les murs, pas franchement encombré, on distingue un tableau un peu naïf avec un canard.

Dans les parcs, on chasse le champignon. Mais ailleurs, plus loin, une jeune femme s'évanouit avant d'être secourue par un homme en combinaison. Biette filme une jeune femme agressée par un nuage de centrale nucléaire. Le film date d'un an après Tchernobyl. Je ne sais pas s'il existe un autre film français qui parle d'accident nucléaire. En tout cas, pas avec la méthode de Jean-Claude Biette qui consiste à ne pas tomber dans le film catastrophe.

Si ce n'est pour la troupe de théâtre de Fairfax, le personnage de metteur en scène de Howard Vernon. Il adapte Hamlet, la jeune femme devait jouer Ophélie. Howard Vernon, c'était l'acteur fétiche de Biette. Il a à peine changer en 25 ans depuis Alphaville. Il a encore cette élocution un peu alanguie et ce léger accent indéfinissable, sans doute parce qu'il a joué dans le dernier Mabuse de Lang, j'y vois un accent allemand.

Biette filme de jeune acteurs et actrices dans des postures romantiques qui débitent des dialogues pas possibles. Tout est compréhensible et l'ensemble forme un film franchement étrange. En théâtre et littérature, Tonie Marshall joue un ancienne comédienne qui s'est reconvertie en libraire. C'est à peine différent de Jacques Rivette et de son Céline et Julie vont en bateau. Avec donc ce petit supplément d'actualité qu'est Tchernobyl.

Tout se recentre autour de Hamlet, de cette actrice absente que les comédiens vont voir. Thomas Badek devient l'électricien du théâtre et on comprend que Tonie Marshall est la fille de Howard Vernon. Des jeunes garçons veulent voler le champignon pour se faire du pognon. Les films de Biette sont un défi pour le cinéphile, c'est très agréable de voir ses films, on n'y trouve jamais ce que l'on voit dans les autres films. Par exemple, on croise Laura Betti enivrée au whisky et Patachou au téléphone.


Il existe un certain snobisme de ma part à aimer Biette. Voire un dandysme. Je crois que ce que je préfère ce sont ces cinéaste minuscules qui font des films fauchés et les blockbusters énormes et couillons. En 1997, j'avais fait le grand écart en une journée : voir Du jour au lendemain des Straub dans l'après-midi et Le Cinquième élément de Luc Besson le soir. Les « films du milieu », comme le disait Pascale Ferran, ça me fait chier. Biette j'aime bien.


























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