Il
doit bien exister une analyse fine et précise des personnages de
père dans les films de Steven Spielberg. Pour le faire vite, ils
sont tous minables. Dans les quelques films que j'ai vus récemment,
ceux avec donc des extra-terrestres, on a Richard Dreyfuss dans
Rencontres du troisième type, il abandonne sa famille et part
avec une mère célibataire (on ne saura jamais qui est le père de
son fils capturé). Dans E.T., le père d'Elliott est absent.
Si
l'on regarde Indiana Jones à travers ses quatre épisodes, il est
célibataire dans le premier, il a un fils de substitution dans le
deuxième, un gamin qu'il a du mal à supporter, il est le fils de
son père Sean Connery dans le troisième, il se fera humilier en se
faisant appeler Junior, Sean Connery est un père absent toute sa
vie. Et enfin, dans l’innommable navet qui sert de quatrième
aventure, Indiana Jones découvre qu'il a un fils.
Je
peux continuer avec Sam Neil qui ne supporte pas les enfants dans
Jurrasic Park, il refuse d'en avoir avec sa copine Laura Dern
mais sera un père parfait pour les deux gamins dans leur course
poursuite avec les dinosaures. Et le summum de la paternité est
Attrape-moi si tu peux, Leonardo Di Caprio a deux pères, un
type minable (Christopher Walken) et un père de substitution ;
le flic qui le poursuit sans cesse (Tom Hanks).
Dans
La Guerre des mondes, le père c'est Tom Cruise. Un ouvrier
manutentionnaire qui dépense toute sa paie non pas pour s'occuper
des ses deux enfants mais pour sa bagnole, une belle voiture de sport
avec laquelle il rentre chez lui le soir. Rien dans le frigo alors
que la père des enfants, divorcée et remariée à un homme plus
respectable, doit laisser les deux mômes pour le week-end. Nous
sommes dans une banlieue quelconque de New York.
Ce
père doit faire face à deux personnages qu'il ne connaît pas. Le
fils aîné Robbie (Justin Chadwin) pique la bagnole et va faire un
tour en ville. La fillette Rachel (Dakota Fanning) se plaint que son
père ne la connaît pas et qu'il menace sans santé quand il veut
lui faire manger des aliments auxquels elle est allergique. Vraiment
ce Ray est un père indigne qui ne sait rien faire. De rage devant sa
nullité, il jette le pain de mie au beurre de cacahuète sur les
vitres de la fenêtre.
C'est
une mise en bouche ironique, pour Tom Cruise il est plus difficile
d'affronter ses deux rejetons que les méchants extra-terrestres. Tom
Cruise n'est pas un acteur qu'on embauche pour faire la dînette à
deux gamins capricieux mais pour sauver le monde. C'est son rôle
dans la cinéma hollywoodien. Dans La Guerre des mondes, il va
sauver ses deux enfants de la furie destructrice des tripodes, c'est
déjà pas mal.
On
se le rappelle, c'était le cinéma post 11 septembre. C'est Steven
Spielberg qui a le mieux filmé la stupéfaction sur les visages des
anonymes devant la destruction de leur mode de vie par une entité
dont ils ignoraient l'existence jusqu'alors. Tom Cruise est là, le
visage hébété devant ces explosions incompréhensibles, ses
cheveux sont vite recouverts de la poussière des bâtiments qui
s’effondrent. Il s'agit de fuir et vite.
A
vrai dire, Tom Cruise et ses enfants ne fuient pas. Ils partent
recomposer la cellule familiale à Boston où se trouve la maman
divorcée. Parenthèse : je serais curieux de savoir comment ils
se sont rencontrés, de connaître la raison pour laquelle ils se
sont plus, lui le docker, elle l'intello. Sans doute cette force de
vie qui lui permet désormais de braver tous les obstacles entre sa
maison et Boston. Un coup de cœur qui s'est transformé en divorce.
Fin de la parenthèse.
L'arrivée
des méchants extra-terrestres est soignée. Des superbes effets
spéciaux façon « Cecil B. de Mille » avec ces nuages
qui s'accumulent au dessus des innocentes victimes potentielles.
C'était déjà ainsi dans Rencontres du troisième type mais
sur un mode gentil. Des éclairs dignes de la colère divine, des
explosions du sol et l'extermination des humains. Poétique funeste,
les vêtements des victimes volent dans l'air. Beauté des scènes de
foule toutes réussies.
Reste
le problème principal du film : la fuite en voiture (ils
seront les seuls à arriver à fuir en voiture) une suite
interminable de cinéma d'action ponctué de moments plus calme pour
permettre à notre héros de devenir le père qu'il n'a jamais été.
Il faut se farder les incohérences diverses, la rencontre avec Tim
Robbins et la fin bâclée des aliens (bien moins cocasse que dans
Mars attacks). Qu'on se rassure, Tom Cruise arrivera à Boston sain
et sauf.
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