samedi 23 mai 2020

Les Chiens de paille (Sam Peckinpah, 1971)

Il se sent observé, il se sait observé ce jeune professeur de mathématiques, cet Américain venu s'exiler dans ce village paumé, dans cette maison isolé dans la lande. David (Dustin Hoffman) vient faire des courses. Les bras chargés de victuailles, il rejoint sa voiture décapotable. Sa femme Amy (Susan George) revient suivie de deux jeunes qui portent un imposant piège à braconnier, une machine de mort.

Puis David va acheter des cigarettes dans le pub local. En général, les pubs anglais sont des lieux agréables mais là, le malaise est palpable. Au centre, un vieux barbu (Peter Vaughan) au regard furieux. Il vient boire son sou. Tout le monde voit David dans le coin, personne n'ose vraiment l'accueillir ou le rejeter. Deux mondes s'observent dans ce petit endroit, mais clairement, David est un intrus dans leur microcosme.

J'en ai vu des films à l'atmosphère poisseuse, Les Chiens de paille atteint un haut niveau de poisse. C'est étonnant de voir dans ces quelques années le nombre de cinéastes qui font le voyage en Grande Bretagne, Richard Fleischer (L'Etrangleur de Rimington Street, Terreur aveugle), Stanley Kubrick (Orange mécanique) et dans un échange de bons procédés le britannique John Boorman ira filmer Deliverance aux fins fonds des Etats-Unis.

Si l'on faisait l'anthologie des meilleurs séquences d'ouverture, celle des Chiens de paille pourrait y figurer en bonne place. Tout est déjà en place, tous les personnages sont dans cette rue, ils sont placés de manière à figurer les affrontements. La voiture sert de limite entre les deux hommes, elle les sépare, à gauche David et son instrument de mort mise sur le siège arrière, à droite Amy qui discute avec une vieille connaissance, Charlie (Del Henney).

La voiture décapotable, la voiture de sport, c'est un luxe que n'ont pas les villageois. Cela démarque déjà David. Les habitants du coin se déplacent en camionnette, dans des véhicules utilitaires comme on dit maintenant. Immédiatement, David est exclu des autres par son mode de vie différent. Un mode de vie luxueux, la preuve il utilise ce piège comme simple objet décoratif. Dans un premier temps, ça saura se rendre utile.

L'agneau qu'est David fait entrer les loups dans sa bergerie. Il est mignon David avec ses grosses lunettes d'intello. Il ne ferait pas de mal à une mouche. Sur les conseils d'Amy, il a embauché des gars du village. Mais pas Charlie. Il ne veut pas de lui. Les gars du village font le toit de la bergerie. L'un d'eux a un petit rire de crécelle, glaçant. Un rire qui vient de nulle part qui sort régulièrement et que David décèle comme une insulte, comme une moquerie.

Amy est chez elle dans ce village mais elle est l'objet de tous les regards. Or David voit les regards qu'on lui porte. Ça le rend dingue. Il lui reproche de ne rien porter sous son pull blanc. La nuit dans leur chambre à coucher, un miroir reflète à deux observateurs leur nudité quand ils vont se coucher. La fille du vieux barbu Janice (Sally Thomsett) et son frère Bobby (Len Jones) se délectent de voir ce spectacle.

Pour Charlie, Amy est sa propriété. Elle lui appartient et il reste persuadé qu'il va être facile de se débarrasser de David. Le spectateur n'est pas loin de penser pareil vu la litanie des disputes du couple. David est même antipathique par moment, il est mesquin. Mais si David a mis les loups dans la bergerie, les loups lui ont aussi appris à utiliser un fusil dans cette scène centrale de la chasse au canard où ils l'humilient.

Toute la frustration sexuelle au sein de la population du village resurgit avec David et Amy. Sam Peckinpah n'y va avec le dos de la cuiler. C'est tout juste si Janice et Bobby ne sont pas incestueux, après tout ils espionnent ensemble le jeune couple. Janice est particulièrement gratinée avec ses longs regards langoureux qu'elle jette. Elle pense qu'elle ne fait que s'amuser même quand elle se tourne vers l'idiot du village Henry (David Warner).

Henry était en marge jusqu'à présent. Personnage muet et expressionniste, il devient le centre du récit dans une course poursuite qui convoque la créature de Frankenstein. L'assaut de la maison de David et Amy est le moment le plus impressionnant du film moins à cause de la violence que pour son montage stroboscopique et haché menu. On ne sait plus où donner du regard, conséquence, on ne sait plus qui torture qui.


Cette frustration, cette violence a une origine, la religion bien-sûr. Tout prend corps lors la kermesse organisée par le pasteur. Il infantilise ses ouailles avec ses ridicules tours de prestidigitation. Pendant qu'il distrait le village, Janice file avec Henry, Amy subit une deuxième fois son viol commis par Charlie et son comparse. Le pasteur voulait le silence dans le village, il aura la fureur et la mort.








































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