Quelque
chose d'émouvant se passe toujours quand je regarde des très vieux
films. Là c'est difficile de faire plus anciens que les films de
Paul Nadar que la plate-forme de la Cinémathèque française a mis
hier à notre disposition. Ce qui est émouvant est moins les films
eux-mêmes. On le voit, ils sont très mécaniques. Ces deux sœurs
Rippo en début de programme font ce qu'elles peuvent pour ne pas
dépasser dans le cadre très restreint de la caméra sans
perforation de Paul Nadar. Elles doivent exécuter leurs numéros
vedettes de music-hall en moins d'une minute, sans se tromper. On
dicerne clairement que le premier (Danses slaves) est moins abouti
que le deuxième (Danses russes) où elles sortent en toute fin une
banderole promotionnelle.
Paul
Nadar se filme dans des situations, des tests j'imagine. Il fait de
l'escrime. Mais il fume la pipe pendant son sport. Il s'allume une
cigarette avant d'ouvrir son journal. Mais il referme vite le journal
qui fait écran entre le spectateur et lui. Là les films sont encore
plus courts (30 secondes). Ce qui est émouvant donc dans cette
sélection de dix films c'est de se demander qui pouvait être les
destinataires de ces films. Pour les sœurs Rippo, comme pour les
deux autres expositions théâtrales, elles semblent être
strictement publicitaires. Elles appellent les spectateurs de ces
films à venir voir les artistes dans leurs spectacles. C'est
peut-être le cas, peut-être que je me trompe, mais ça me plaît
d'imaginer que Paul Nadar a d'abord été un publicitaire du cinéma.
Les
deux derniers films ont un aspect plus documentaire. Paul Nadar a
filmé la Rue Royale et la Place de la Concorde. Ce que je remarque
c'est que Paris en 1898 était déjà embouteillé. Ça grouille de
calèches, de chariots et de passants. Cela aussi c'est émouvant, de
se demander qui pouvaient bien âtre ces gens qui passent là. Et
surtout ce type qui passe avec sa carte, il cherche son chemin. Il
ressemble fichtrement à Paul Nadar. Il force un homme à revenir
dans le cadre, dans un mouvement de fiction au milieu de son document
filmé. Voilà, cette dizaine de films de Paul Nadar sont visibles
sur Henri. Ça aussi c'est fort et émouvant de savoir que 120 ans
plus tard à peu près 700 personnes (le décompte le dit) ont pu
voir ces films peuplés de fantômes du cinéma.
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