Après
Le Mâle du siècle, Claude Berri a décidé de ne plus jouer
dans ses films, jusqu'à La Débandade. En 22 ans, Claude
Berri est devenu ce nabab du cinéma français, surtout haï quand
sort La Débandade, comme je le rappelais dans mon court
hommage à Tonie Marshall. Cette même année 1999, il a produit
Astérix et Obélix contre César, plus gros succès du cinéma
de l'année. En 22 ans, il s'est tourné vers le cinéma en costumes
(Jean de Florette, Uranus, Germinal) 30 millions
de spectateurs en tout.
Claude
Berri a fait un peu l'acteur, chez d'autres, chez Patrice Chéreau,
pour Serge Gainsbourg (Stan the flasher) avec une certaine
tendance pour l'exhibitionnisme. Comme jadis, il se retrouve à poil
avec sa bonne bedaine et son petit air d'oiseau triste.
Effectivement, dans les premières minutes de La Débandade,
il nous sert une scène de lit avec Fanny Ardant, qui joue son épouse
depuis 15 ans. Lui, c'est Claude Langmann, elle c'est Marie. Au lit,
quand il ne veut pas coucher avec elle, elle lit Cioran.
J'étais
allé voir La Débandade au cinéma. Par pure provocation. Je
le redis, c'était l'homme le plus détesté du cinéma français,
plus que Luc Besson. Et aussi parce que les Cahiers du cinéma en
disait plutôt du bien. Je n'avais pas vu un film depuis Manon des
sources. Un bail. C'est vrai que le film cherche une forme très
modeste qui n'a pas attiré beaucoup de monde en salle. C'est le
moins qu'on puisse dire, c'est même un bide total pour ce récit qui
tourne à la fois sur la coupe du monde de football 1998 et le
viagra.
Ce
pauvre Claude ne bande plus. Marie n'en a rien à secouer. Ça lui
convient (sans doute parce qu'elle lit Cioran), mais Claude ne
supporte plus de l'avoir molle. Il consulte. Premier médecin
(François Berléand), y a rien à faire. Deuxième médecin (Alain
Chabat), il lui propose quelques solutions. Alain Chabat avec un sens
incroyable du geste est le seul à faire rire dans le film, en
quelques scènes, il prend tout. Il a surtout un tempo prodigieux
pour terminer ses scènes par un sourire niais et annoncer le tarif
« 450 francs ».
Claude
est commissaire-priseur. Son vieil ami Paul-Edouard (Claude Brasseur)
veut vendre sa collection d'objets érotiques, ce qui fait un raccord
de deux décennies avec Sex-shop. Paul-Edouard devait en être
un client. Claude Brasseur est ce même genre de pote qui conseille
un peu trop son ami, avec pas mal d'insistance, sans se soucier des
conséquences. C'était jadis Hubert Derschamps dans Le Mâle du siècle, c'était Jean-Pierre Marielle dans Sex-shop. Eux,
ils s'en foutent, ils n'ont pas de problème d'érection.
Je
parlais plus haut de Claude Berri avec un air de petit oiseau, c'est
vraiment cette impression quand il roucoule autour de sa nouvelle
employée, Agnès (Brigitte Bemol), petite blonde qui se laisse
draguer par ce petit vieux barbu. Plus que dans Stan the flasher,
la manière de se déplacer de Claude Berri, dans un léger
dandinement incertain, est en soi une danse de séduction. Il a une
façon de porter son visage dans les obliques, c'est un corps
totalement différent de tous les autres acteurs du film. Et puis ce
sourire labial.
Le
film, puisqu'il tend vers la comédie, va de déconvenue en
déconvenue. Il use de quiproquos usés jusqu'à la corde jusqu'à
une scène finale où, après tant d'échecs à bander quand il le
faut (c'est que la viagra mettait une heure à agir), il se décide
enfin à aller voir une prostituée. Véronique Vella est prodigieuse
dans ce court rôle qui clôt le film et Claude Berri surprend avec
son masochisme qui touche à la plus grande impudeur. Finalement, le
film l'emporte haut la main, j'ai toujours eu une petite tendresse
depuis pour Claude Berri.
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