Chacun
son enfance, la mienne s'est faite sans E.T., je n'ai
découvert le film, en salle projeté en 35mm à la Cinémathèque de
Grenoble, qu'à 30 ans. C'était la version originale de 1982 pas
celle reformatée par Steven Spielberg pour améliorer quelques
mouvements de sa créature extra-terrestre et pour remplacer les
fusils des agents du FBI qui poursuivent les enfants par des
talkies-walkies, sur ce point ça me va, je déteste les armes à
feu.
J'ai
toujours trouvé que ET était
moche à regarder avec sa tête d'étron. Comme dans Rencontres du
troisième type, il ne s'agit pas de jouer sur un suspense concernant
son aspect. Certes dans la séquence d'ouverture, de nuit, on ne fait
que le deviner l'extra-terrestre court à travers les arbres pour
échapper aux hommes qui l'ont repéré. On n'en voit que quelques
membres, à nous de reconstituer le puzzle de s'en faire une idée.
Si
je l'avais vu enfant, j'aurais été comme Elliott (Henry Thomas)
curieux de découvrir ce qui se cache dans la cabane à outils au
fond du jardin. Dans son petit pyjama blanc, armé d'une torche, il
observe et attend. C'est presque Lillian Gish sur son fauteuil à
bascule dans La Nuit du chasseur auquel le film fait parfois
penser, ET sort en claudicant de la cabane, il fait presque la même
taille que l'enfant. Elliott tombe de sa chaise.
Et
comme tout le monde l'avait bien remarqué, ET ce sont la première
et la dernière lettre du prénom d'Elliott, ils sont liés par la
pensée, cela sera montré assez subtilement dans le film, sans trop
appuyer sur les échanges de pensée, cela commence quand ET est
laissé seul dans la maison alors que Elliott est à l'école. ET
découvre son environnement, boit de la bière et c'est l'enfant qui
subit l'ivresse de l'extra-terrestre.
Cela
a des avantages certains, il faut bien le dire, cela décoince
Elliott notamment avec sa jeune camarade pour laquelle il a une
affection d'enfant. A la télé, dans la maison ET regarde L'Homme
tranquille, la scène de l'orage où John Wayne va embrasser
Maureen O'Hara dont les cheveux sont emportés par le vent. Elliott
reproduit ce geste romantique suggéré par l'extra-terrestre. C'est
très beau et très drôle dans le même temps.
Mais
ces échanges de pensée cachent la grande détresse affective dans
laquelle vit Elliott. Car ET n'est rien d'autre qu'un ami imaginaire
pour tous les autres membres de sa famille, tant qu'il cache la
créature. La famille n'est pas idéale. Ses parents sont séparés,
sa mère (Dee Wallace) est débordée, son grand frère Michael
(Robert MacNaughton) n'est pas tendre avec Elliott qu'il humilie avec
ses amis du lycée. La famille est décomposée et la vie n'est pas
simple.
Les
adultes sont peu présents. Outre la mère débordée, le prof de bio
avec ses grenouilles à disséquer, on ne remarque que le personnage
falot de Peter Coyote qui affirme avoir vécu la même expérience
que Elliott. Tous les autres adultes sont des silhouettes, des flics
et des scientifiques en combinaison blanche. Aucun d'eux ne veut
comprendre la relation entre le jeune garçon et l'extra-terrestre.
Elliott
avait attiré dans la maison ET avec des sucreries au chocolat. Dans
son confinement, ET ne mange que de la junk food. C'est tout ce qu'il
trouve dans le frigo. Elliott découvre l'extra-terrestre en allant
chercher la pizza commandée, nourriture bien meilleure que ce que
prépare sa mère selon le grand frère. Dans l'unique scène de
repas, vite interrompue par les discussions sur ce « gobelin »
vu par Elliott, on voit que personne n'a vraiment envie de manger.
L'ami
imaginaire cesse d'exister quand Michael, le grand frère et Gerties
(Drew Barrymore) la petite sœur découvre l'extra-terrestre. Chacun
aura un petit rôle dans le récit. Pour Gertie, c'est une partition
comique, composée d'abord d'un éventail de quiproquos (les
glissements de ET dans le salon, la mère ne le verra jamais trop
occupée à ranger les courses). Gertie dit toujours la vérité mais
comme souvent personne ne l'écoute.
Pour
Michael c'est la partie action ce qui veut dire se déplacer en BMX à
travers la ville pour semer les voitures du FBI qui les poursuivent.
Lui qui était si rétif à accepter que Elliott ait vu un
extra-terrestre doit bien admettre qu'il avait raison. Michael et
Gertie aident donc à exfiltrer l'extra-terrestre de la surveillance
de la police l'après-midi d'Halloween, ET est déguisé en fantôme
avec un drap, direction la forêt originelle pour contacter l'espace
intersidéral.
On
découvrait ET pataud et gauche. Il apprend l'anglais très vite et
il a des pouvoir non seulement télépathiques comme on l'a vu mais
aussi de télékinésie. Il peut déplacer les objets, d'abord des
balles de pâte à modeler pour figurer son système solaire mais
aussi pour élever le BMX d'Elliott, déguisé en Dracula, à travers
les airs et ainsi passer devant la lune au dessus de la forêt. Voilà
pour l'image la plus iconique du film.
J'ai
beau avoir découvert le film à 30 ans et le voir une deuxième fois
19 ans plus tard, je suis complètement happé par le personnage de
Elliott. Tout le finale est bouleversant, Steven Spielberg manipule
parfaitement nos émotions, les fait virevolter à l'image du gamin
qui vole dans les airs (là est son vrai hommage à Peter Pan) avant
de frôler lui comme ET. On le savait qu'ils n'allaient pas mourir,
qu'ils ne pouvaient pas mourir.
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