vendredi 29 mai 2020

L'Exorciste (William Friedkin, 1973)

Un si doux visage. Je voulais pour illustrer ce texte sur L'Exorciste ne mettre que des images de Linda Blair dans sa transformation de jeune adolescente toute proprette, toute gentille, toute mignonne en terrifiant démon dégueulant des insanités et du vomi. La déliquescence morale et physique d'une enfant est l'attrait majeur du film, que par ailleurs je n'aime pas beaucoup d'un cinéaste que je connais peu.

Elle s'appelle Regan cette fillette jouée par Linda Blair. Drôle de prénom peu commun, en tout aux oreilles occidentales (j'ai lu quelque part que dans la VF, elle était renommée Régine, l'horreur). Je me suis toujours demandé pourquoi ce prénom, s'il avait un sens. Par exemple inversé, puisqu'elle parlera en langue inversée lors d'une démence démonique. Non. Mais Regan est l'anagramme de anger, la colère, pas dies irae mais satanas irae.

Je connais peu de film sur l'exorcisme, si ce n'est l'antique Dies irae de Carl Theo Dreyer, le bien nommé. En 30 ans, il a certainement été tourné d'autres films sur l'exorcisme, sans doute dans quelque productions Hammer. Mais dans les deux films, ce sont des femmes, une vieille dame chez Dreyer, une toute petite chez Friedkin, une innocence tourmentée par l'église ici, libérée par trois prêtres là.

William Peter Blatty a vendu son roman, puis son scénario, puis le film de William Friedkin, avec une idée décapante : d'après une histoire vraie. D'où la réputation de réalisme acquise depuis 1973 du film. Il est bien possible que des bigots fanatiques et endoctrinés aient eu l'idée d'exorciser un gamin, mais cela n'apporte ni n'enlève aucun qualité au film. Rien n'est moins sûr que l'exorcisme pratiqué soit réaliste.

Ce qui l'est pourrait être cette fabuleuse idée de salir de toute force l'enfant, d'en faire un être éructant son fameux « ta mère suce des bites en enfer » à Max Von Sydow, le prêtre Merrin venu aider main forte au curé du coin. Pour une fois, dans un film surnaturel, on parle cru, on évité les dialogues ampoulés et le démon est une entité obsédée sexuelle. Là, dans les moments où les dialogues se lâchent, le film touche juste.

On a bien remarqué le patronyme MacNeil, origine irlandaise donc catholique. On a surtout remarqué que la mère Chris (Elle Burstyn) n'a rien d'une arriérée, elle n'est pas du genre à appeler un curé pour exorciser sa fille. Mère élevant seule Regan, mais avec l'aide d'une jeune femme Sharon (Kim Witt), Chris est actrice de cinéma. Attention, elle fait des films politiques comme le montre une séquence de tournage en début de film.

Cependant, elle a parmi ses amis un prêtre qu'elle invitera chez elle un soir dans cet appartement loué à Washington. Autour d'un piano, tandis que tout le monde chante avec entrain, Regan arrive et se met à pisser par terre. Oh, les têtes qu'ils font les invités. Chris comprend que quelque chose ne tourne pas rond chez sa fille. Elle ne la croyait pas bien quand Regan lui expliquait que son lit se mettait à bouger tout seul.

« Comment peut-elle rebondir sur son lit comme ça ? ». Chris ne comprend rien. Quand les médecins administrent une forte dose de sédatif à Regan après qu'elle ait dit « fuck me fuck me fuck me », les docteurs suggèrent rapidement que seule l'église pourrait venir en aide à Regan. Il faut dire que je trouve les nombreuses crises d'hystérie de la mère à la limite du supportable, hurlant, se défigurant le visage comme si elle aussi était possédée.

Le processus passe par la science. Regan est consultée par une tripotée de médecins. Ils ne décèlent rien. Si la médecine ne peut rien, il faut aller vers l'église. Ce sont de longues discussions vaseuses qui l'amènent à faire confiance à ce petit curé, le père Damien Karras (Jason Miller) qui sait que quelque part il existe un exorciste. Ça tombe bien, le démon appelle, à l'envers donc, le père Merrin qu'on avait vu dans le prologue face à la statue démoniaque.

C'est que Regan une fois bien possédée commence à tuer. Le premier est le metteur en scène du film dans lequel joue Chris, Burke Dennings (Jake MacGowran) qui passe par la fenêtre et s'écrase en bas d'un escalier. Le film se lance dans deux pistes, le surnaturel avec le père Karras et le policier avec l'arrivée d'un policier, Kinderman (Lee J. Cobb), au patronyme là aussi bien déterminé. Il cherche à comprendre la mort du cinéaste.

Je n'oserais dire que Kinderman est la caution comique du film mais ses allers-venues chez les MacNeil procure au film un peu d'humour caustique et le jeu de Lee J. Cobb, tout en souplesse, contraste terriblement avec l'expressivité à l'extrême d'Ellen Burstyn et l'absence totale de charisme de Jason Miller. Et encore, je passe sur les larmoiements familiaux du père Karras avec sa petite maman.

Reste donc l'exorcisme en lui-même. Merrin, Karras et un troisième curé affrontent Regan qui grogne avec sa voix rauque, le visage défiguré par les pustules et les cicatrices et ce plan où elle tourne sa tête à 180°. C'est trop court à mon goût, ça aurait pu être développé. Mais je trouve ça marrant plus effrayant, comme tout le film qui traîne en longueur, fait des ronds de jambe et qui semble ne jamais finir.


Impossible de parler de L'Exorciste sans évoquer Gotlib. Dans le tome 3 de Rhââ Lovely (paru en 1978), il parodie à l'excès le film, en presque 20 pages (un tiers de l'album). Il pastiche toute la religiosité du film en enfonce le clou encore plus loin en imaginant que l'enfant (ici un garçonnet) est possédé par Jésus et non par un quelconque démon mésopotamien de pacotille. Autant dire que je préfère Gotlib à Friedkin.






































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