dimanche 22 mars 2020

Un nommé Cable Hogue (Sam Peckinpah, 1970)

Ah les deux salopiauds qui tirent du fin du désert de l'Oklahoma, le plus aride des Etats-Unis, et dézinguent le repas qu'avait prévu Cable Hogue (Jason Tobards). Au tout début d'Un nommé Cable Hogue, un reptile pas franchement appétissant envahit le cadre du film de Sam Peckinpah. Cable Hogue s'approche, explique à sa proie qu'il a très faim, sort son couteau mais deux gangsters qu'on n'avait pas vus tirent dessus et éclatent l'animal. Et les voilà tous les deux qui viennent se vanter de leur larcin.

Cable Hogue connaît bien ces deux malfrats. Le vieux Bowen (Strother Martin) et le jeune Taggart (L.Q. Jones) poussent le bouchon jusqu'à lui piquer sa gourde d'eau. Il est seul, sans bouffe, sans eau, sans cheval. Il part dans le désert, s'égare tandis que le générique (avec quelques split screens) se déploie. Il affronte une tempête de sable et remarque, au bout de quatre jours, sous ses souliers les traces de boue. Enfin de l'eau, Cable Hogue creuse du peu de force qu'il lui reste et survit en buvant de l'eau boueuse.

Requinqué, il remarque que la diligence passe par là. Le premier contact avec les conducteurs est cordial mais commercial (l'un d'eux est inénarrable Slim Pickens), on veut bien l'emmener en ville mais il faut payer. Il n'aura que le droit de boire quelques gorgées de tord-boyau. Les passagers sont moins coopératifs, le mari, bien endimanché, veut filer fissa. Surgit une idée, Cable Hogue va fournir de l'eau aux chevaux et aux passagers de la diligence grâce à cette eau qu'il a découverte dans le désert.

Un film seul, ça ne se fait pas. Voici le premier personnage qui débarque dans le cabanon de Cable Hogue. Il s'appelle Joshua (David Warner), un pasteur dont la passion dépasse la religion : il aime les jeunes femmes. Ses images pieuses ne sont pas celles de Jésus mais des jeunes playmates (on ne les verra pas mais vu la tête de Cable Hogue quand Joshua les montre, on comprend vite). Ce qui va lui causer quelques ennuis dans la ville du coin où il tente de séduire une épouse éplorée, Joshua la croyait veuve jusqu'à ce qu'arrive le mari furibard.

Sur les bons conseils de Joshua, il va déposer sa concession du coin. Miracle, il croise le regard de la blonde Hildy (Stella Stevens). Les yeux de Cable croisent aussi la poitrine, avec un gros plan de Sam Peckinpah à la douce grivoiserie. Pour Cable Hogue, Hildy est une lady, pour tous les autres habitants, c'est une fille de joie. Peu importe, il va la séduire, elle va venir s'installer dans la cabane désormais de plus en plus importante de Cable Hogue. Quand elle vient vivre là, Joshua s'en va vers de nouvelles aventures.

Pour résumer Un nommé Cable Hogue, je pourrais dire que c'est un western mais où son protagoniste fait du sur-place, une comédie romantique et une comédie burlesque. Tout ça à la fois, autant dire que c'est quelque chose d'inédit dans le cinéma de Sam Peckinpah qui sortait de La Horde sauvage et allait enchaîner avec Les Chiens de paille, pas vraiment du même tonneau. Un havre de relative paix au milieu de deux films de bruit et de fureur. Le burlesque est irrésistible avec ces mouvements accélérés comme au temps du muet.

Prenons un exemple tout simple, les repas de « l'auberge » de Cable Hogue où s'arrête la diligence. Un épouvantable boui-boui où les assiettes sont accrochées à la table par des clous. C'est qu'il faudrait pas les voler. Et quel menu. Cable en donne le détail au grand dam de Joshua, bout de serpent, rongeur divers. Il faut voir la petite famille dégager à toute vitesse de la table pour aller dégobiller tous ces mets délicats. Et il faut voir comment Cable nettoie les assiettes. Tout va changer avec Hildy.

Mais j'adore Un nommé Cable Hogue pour son rythme si particulier avec ses séquences longues sur un temps court (20 minutes pour la visite en ville) et ses ellipses temporelles importantes : on se rend compte ainsi que Cable est là depuis plus de trois ans. C'est que Sam Peckinpah veut retomber sur ses pattes et boucler son film. Cable Hogue s'est installé là avec une bonne raison, se venger des deux salopiauds. On commence à l'entendre dans les dialogues, Taggart et Bowen vont bien un jour passer par là. Là, il les tuera.


Mais là où la temporalité reste la plus étonnante demeure l'époque où se déroule Un nommé Cable Hogue. Si on le sait à l'avance, par exemple en lisant la jaquette du DVD, on n'est pas étonné. Mais quand on l'ignore (ou qu'on l'oublie comme moi), la surprise finale est totale. Sam Peckinpah prend un soin tout particulier à placer son récit dans un univers de western éternel ou légendaire. Tout est là, le grand ouest, les chevaux, le saloon, les tenues, les méchants, les bons gars. Et soudain, du fond du cadre arrive un élément qui remet tout en place.





























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