mardi 24 mars 2020

La Charge fantastique (Raoul Walsh, 1941)

Quel visionnaire ! « Si vous voulez mon avis, il sera la pire recrue de West Point depuis Ulysses S. Grant ». C'est ainsi que le Major Taipe (Stanley Rodgers) jugeait le Cadet Custer (Errol Flynn) dont les notes à l'école militaire des Etats-Unis étaient déplorables. Taipe voulait le virer après une nouvelle bagarre. Il sait se bagarrer mais il ne sait pas se battre, estimait-il aux chefs de West Point. Raoul Walsh avec un sens inné du comique égrène le carnet de notes du Cadet, les commentaires désastreux de ses professeurs.

L'arrivée à West Point est l'un des moments les plus drôles de La Charge fantastique qui ne manque jamais d'humour. Custer arrive à cheval suivi de cinq chiens de chasse. Quelle tenue extravagante il porte, inspirée de l'uniforme flamboyant du général Murat. Nous sommes en 1857 et jusque là tout va bien pour le jeune Custer qui débarque de son Michigan natal. Il est tant frivole et candide qu'il ne comprend pas qu'on va lui jouer un sale tour. Il arrive en retard et Sharp (Arthur Kennedy) se fait une joie de l'accueillir et de le diriger dans ses appartements.

Au lieu d'un baraquement avec les autres Cadets, Sharp lui ouvre la porte d'un bel appartement. Sharp nettoie en vitesse la table, vide l'armoire des vêtements, met les valises de l'habitant sur le palier. Il installe ses chiens à qui il donne un os à ronger. Il s'affale sur le lit douillet. C'est à ce moment que l'habitant des lieux débarque. Il s'agit tout simplement du Major Taipe qui se fait un honneur à virer des lieux le malotru. Il n'en faut pas plus à Custer pour aller donner un bon coup de poing à Sharp pour s'être moqué de lui.

Dans ces premières minutes, on découvre ainsi les deux adversaires principaux de Custer durant toute sa carrière. Le premier est Taipe qui va tout faire pour empêcher le Cadet Custer de monter les échelons de l'école militaire, il va s'évertuer à le faire virer comme je le disais plus haut. Taipe ne comprend jamais pourquoi les généraux aiment la fougue et le tempérament de Custer, ça le met hors de lui quand le Général Sheridan (John Litel) dira à Taipe « il y a quelque chose chez lui qui me plaît beaucoup ».

L'école militaire, Custer n'aime pas ça. Comme tous les personnages majeurs du cinéma de Raoul Walsh, il ne peut s'épanouir dans l'action. Lors d'une punition, il doit faire les cent pas et rester silencieux. C'est à ce moment précis qu'une belle jeune femme, Libbie Bacon (Olivia de Havilland) vient lui demander le chemin pour se rendre aux appartements du Général Sheridan, un ami de son père. Custer ne peut pas répondre sans se faire sanctionner. Il est bien embêté mais l'action va le délivrer de son inaction.

Tout se bouscule, les événements et l'aventure amoureuse. C'est parce que les troupes doivent être déployées pour répondre aux attaques des Confédérés que Custer sort de sa punition, qu'il peut vite s'excuser auprès de Libbie. Mais à peine ont-ils fait connaissance, à peine a-t-il promis de venir lui faire la cour le soir même sur la terrasse du Général Sheridan qu'il doit partir à Washington, maintenant que son diplôme lui a été accordé au grand dam de Taipe. Il court dans tous les sens mais ne se trompe jamais de direction.

La première heure de La Charge fantastique est consacré d'abord à l'école militaire, avec beaucoup d'humour, puis à la vie de chargé de mission à Washington quand débute la guerre de sécession. Le rythme ne faiblit pas mais le ton change. Il se fait plus grave, le jeu de Errol Flynn se modifie dans ce nouvel environnement. On lui tient la bride (encore et toujours Taipe) mais il force les portes (encore et toujours) en sympathisant avec le bonhomme Général Scott (Sydney Greenstreet) grâce à leur amour commun pour les oignons.

Suite à un quiproquo dont Taipe est responsable, il devient le Général Custer et sauve une ville des assauts des Confédérés. Il devient une vedette mais il est blessé. Revenons sur cette passion des oignons qui offre un autre moment de comédie à son retour dans le Michigan. Il aime les croquer crus. Libbie Bacon déteste les oignons mais par amour elle en mange avec lui. Sur ses joues de fines larmes commencent à couler. Custer doit probablement penser que c'est leurs retrouvailles qui l'a ému. On ne reparlera plus des oignons dans le film mais ça me rappelle Claudette Colbert qui en croquera pleine bouche pour embêter Gary Cooper dans La Huitième femme de Barbe-bleue.

La guerre de sécession finie, La Charge fantastique an interlude fastidieux de 10 minutes qui décrit la triste vie maritale de Custer et Libbie. Errol Flynn arbore des cheveux longs (« Long Hair » sera son surnom par les Indiens Sioux). Il plonge dans l'alcool compte tenu de son inactivité. Comme dit plus haut, un personnage sans action chez Raoul Walsh n'existe pas. Lors d'un séjour à Washington, Libbie en profite pour pistonner son mari et qu'il reparte au front. Ce sera dans le territoire du Dakota, à Fort Lincoln menacé par Crazy Horse (Anthony Queen).

Pour appuyer la légende du Général Custer, Raoul Walsh choisit un adversaire de taille pour son héros. Ce ne sera pas tant Crazy Horse et les Indiens dépossédés de leur terre (un dialogue simple entre un soldat britannique et Custer montre que dès 1941 certains cinéastes à Hollywood reconnaissent les droits des Indiens, on n'est plus dans un simple western Indiens contre Cavalerie) mais son ancien camarade de West Point Sharp qui revient ici dans le récit comme un marchand d'alcool et d'armes.


Sharp est le profiteur par excellence. Certes sa partition est exagérée, il est lâche, mesquin, vaniteux, cupide, mais elle permet au film de redémarrer avec la première heure en miroir. Custer apprend à ses troupes la discipline lui qui la détestait, il se met désormais à réfléchir avant d'agir lui qui fonçait tête baissée. Dans l'histoire des Etats-Unis, le Général Custer était une ordure belliqueuse mais Raoul Walsh comme tous les grands cinéastes de génie préfère imprimer et filmer la légende que l'histoire.































Aucun commentaire: