Quel
visionnaire ! « Si vous voulez mon avis, il sera la pire
recrue de West Point depuis Ulysses S. Grant ». C'est ainsi que
le Major Taipe (Stanley Rodgers) jugeait le Cadet Custer (Errol
Flynn) dont les notes à l'école militaire des Etats-Unis étaient
déplorables. Taipe voulait le virer après une nouvelle bagarre. Il
sait se bagarrer mais il ne sait pas se battre, estimait-il aux chefs
de West Point. Raoul Walsh avec un sens inné du comique égrène le
carnet de notes du Cadet, les commentaires désastreux de ses
professeurs.
L'arrivée
à West Point est l'un des moments les plus drôles de La Charge
fantastique qui ne manque jamais d'humour. Custer arrive à
cheval suivi de cinq chiens de chasse. Quelle tenue extravagante il
porte, inspirée de l'uniforme flamboyant du général Murat. Nous
sommes en 1857 et jusque là tout va bien pour le jeune Custer qui
débarque de son Michigan natal. Il est tant frivole et candide qu'il
ne comprend pas qu'on va lui jouer un sale tour. Il arrive en retard
et Sharp (Arthur Kennedy) se fait une joie de l'accueillir et de le
diriger dans ses appartements.
Au
lieu d'un baraquement avec les autres Cadets, Sharp lui ouvre la
porte d'un bel appartement. Sharp nettoie en vitesse la table, vide
l'armoire des vêtements, met les valises de l'habitant sur le
palier. Il installe ses chiens à qui il donne un os à ronger. Il
s'affale sur le lit douillet. C'est à ce moment que l'habitant des
lieux débarque. Il s'agit tout simplement du Major Taipe qui se fait
un honneur à virer des lieux le malotru. Il n'en faut pas plus à
Custer pour aller donner un bon coup de poing à Sharp pour s'être
moqué de lui.
Dans
ces premières minutes, on découvre ainsi les deux adversaires
principaux de Custer durant toute sa carrière. Le premier est Taipe
qui va tout faire pour empêcher le Cadet Custer de monter les
échelons de l'école militaire, il va s'évertuer à le faire virer
comme je le disais plus haut. Taipe ne comprend jamais pourquoi les
généraux aiment la fougue et le tempérament de Custer, ça le met
hors de lui quand le Général Sheridan (John Litel) dira à Taipe
« il y a quelque chose chez lui qui me plaît beaucoup ».
L'école
militaire, Custer n'aime pas ça. Comme tous les personnages majeurs
du cinéma de Raoul Walsh, il ne peut s'épanouir dans l'action. Lors
d'une punition, il doit faire les cent pas et rester silencieux.
C'est à ce moment précis qu'une belle jeune femme, Libbie Bacon
(Olivia de Havilland) vient lui demander le chemin pour se rendre aux
appartements du Général Sheridan, un ami de son père. Custer ne
peut pas répondre sans se faire sanctionner. Il est bien embêté
mais l'action va le délivrer de son inaction.
Tout
se bouscule, les événements et l'aventure amoureuse. C'est parce
que les troupes doivent être déployées pour répondre aux attaques
des Confédérés que Custer sort de sa punition, qu'il peut vite
s'excuser auprès de Libbie. Mais à peine ont-ils fait connaissance,
à peine a-t-il promis de venir lui faire la cour le soir même sur
la terrasse du Général Sheridan qu'il doit partir à Washington,
maintenant que son diplôme lui a été accordé au grand dam de
Taipe. Il court dans tous les sens mais ne se trompe jamais de
direction.
La
première heure de La Charge fantastique est consacré d'abord
à l'école militaire, avec beaucoup d'humour, puis à la vie de
chargé de mission à Washington quand débute la guerre de
sécession. Le rythme ne faiblit pas mais le ton change. Il se fait
plus grave, le jeu de Errol Flynn se modifie dans ce nouvel
environnement. On lui tient la bride (encore et toujours Taipe) mais
il force les portes (encore et toujours) en sympathisant avec le
bonhomme Général Scott (Sydney Greenstreet) grâce à leur amour
commun pour les oignons.
Suite
à un quiproquo dont Taipe est responsable, il devient le Général
Custer et sauve une ville des assauts des Confédérés. Il devient
une vedette mais il est blessé. Revenons sur cette passion des
oignons qui offre un autre moment de comédie à son retour dans le
Michigan. Il aime les croquer crus. Libbie Bacon déteste les oignons
mais par amour elle en mange avec lui. Sur ses joues de fines larmes
commencent à couler. Custer doit probablement penser que c'est leurs
retrouvailles qui l'a ému. On ne reparlera plus des oignons dans le
film mais ça me rappelle Claudette Colbert qui en croquera pleine
bouche pour embêter Gary Cooper dans La Huitième femme de
Barbe-bleue.
La
guerre de sécession finie, La Charge fantastique an interlude
fastidieux de 10 minutes qui décrit la triste vie maritale de Custer
et Libbie. Errol Flynn arbore des cheveux longs (« Long Hair »
sera son surnom par les Indiens Sioux). Il plonge dans l'alcool
compte tenu de son inactivité. Comme dit plus haut, un personnage
sans action chez Raoul Walsh n'existe pas. Lors d'un séjour à
Washington, Libbie en profite pour pistonner son mari et qu'il
reparte au front. Ce sera dans le territoire du Dakota, à Fort
Lincoln menacé par Crazy Horse (Anthony Queen).
Pour
appuyer la légende du Général Custer, Raoul Walsh choisit un
adversaire de taille pour son héros. Ce ne sera pas tant Crazy Horse
et les Indiens dépossédés de leur terre (un dialogue simple entre
un soldat britannique et Custer montre que dès 1941 certains
cinéastes à Hollywood reconnaissent les droits des Indiens, on
n'est plus dans un simple western Indiens contre Cavalerie) mais son
ancien camarade de West Point Sharp qui revient ici dans le récit
comme un marchand d'alcool et d'armes.
Sharp
est le profiteur par excellence. Certes sa partition est exagérée,
il est lâche, mesquin, vaniteux, cupide, mais elle permet au film de
redémarrer avec la première heure en miroir. Custer apprend à ses
troupes la discipline lui qui la détestait, il se met désormais à
réfléchir avant d'agir lui qui fonçait tête baissée. Dans
l'histoire des Etats-Unis, le Général Custer était une ordure
belliqueuse mais Raoul Walsh comme tous les grands cinéastes de
génie préfère imprimer et filmer la légende que l'histoire.
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