C'est
tout de même une drôle de chose le film de guerre quand on y songe.
Un jour, un type a décidé de mettre en scène la guerre, de la
reconstituer, en un mot de la rendre belle. Depuis quelques temps, le
film de guerre est plus rare et avec une idée majeure, l'immersion
du spectateur, il faut être au cœur de l'horreur. J'en ai parlé
pour Dunkirk, pour 1917 et finalement, ce cher Samuel
Fuller faisait la même chose avec Les Maraudeurs attaquent et
The Big Red One, je crois que
la tendance s'est accélérée avec Il faut sauver le
soldat Ryan. L'immersion du spectateur était déjà là dans La
Section Anderson.
Je
ne connais pas vraiment le statut du film, il a reçu un Oscar
(meilleur documentaire en 1968) mais il semble avoir été produit
par la télévision française, l'ORTF du général De Gaulle (je
déconseille vivement le film qui vient de sortir sur lui, un
épouvantable nanar où tout le monde joue comme dans une bluette
surannée, quelle supplice). Cinq colonnes à la une en l'occurrence.
Le film est bref, une grosse heure, mais tendu, et effectivement en
pleine immersion. Pierre Schoendoerffer suit avec sa caméra (quel
courage) un escouade de soldats américains en 1966 dans la jungle
vietnamienne.
Le
cinéaste est au milieu de la section dirigée par Joseph Anderson,
un sergent noir. Il passe tout son temps avec eux. Il nous les
présente les uns après les autres, un portrait lapidaire, nom,
ville d'origine, âge et plus grave, plus important, plus incisif,
s'ils ont survécu depuis le tournage du documentaire, s'ils sont
blessés. Dès le départ, leur destin est annoncé et un trouble
certain se met dans ma tête car ce qu'ils vivent dans la première
demi-heure est plutôt léger. C'est leur vie d'avant le combat,
presque légère, faite de chansons, de drague dans la capitale du
sud, de blagues, de séance chez le coiffeur.
Vu
tant d'années après, j'ai du mal à ne pas le comparer avec
d'autres films sur le Viet Nam, évidemment des fictions. J'imagine
assez bien que La Section Anderson est le premier film sur la guerre
du Viet Nam, un documentaire je le rappelle. La petite tournée chez
les prostituées rappelle celle dans Full metal jacket, et
finalement les quelques scènes d’entraînement de Vincent
d'Onofrio n'est pas très loin avec l'abrutissement généralisé, la
propagande de la défense de la liberté. Les répliques des jeunes
recrues sont édifiantes, noirs comme blancs – les blancs sont
encore en plus grand nombre que le noirs, ça changera vite.
La
deuxième demi-heure est dédiée au combat au milieu des herbes
hautes, des dangers imminents, des VC (Viet Cong) qui tirent de nulle
part, de la pluie qui dure une semaine, de l'attente. La guerre est
là devant nous avec ses vrais blessés qui saignent, même en noir
et blanc, le sang gicle et se répand sur les uniformes. Ce qui
impressionne le plus, ce sont les visages qui changent d'expression,
la fatigue, l'angoisse, la peur, la colère et l'incompréhension. La
Section Anderson est un authentique film d'horreur, cette mise en
scène est celle d'un slasher, terrifiant puisque celui qui tire est
invisible.
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