vendredi 27 mars 2020

La Petite taupe peintre (Zdenék Miler, 1972)

La petite taupe réenchante le monde et on en a bien besoin par les temps qui courent. En 1972, c'était la même chose mais un peu différent, la petite taupe à peine a-t-elle sorti le museau de la terre pour découvrir où elle sort se fait menacer par un renard. Je me suis toujours plu à croire que Zdenék Miler parsemait dans ses films des messages politiques forts. Par exemple, dans La Petite taupe peintre, le renard symbolise le grand frère soviétique, tout terne, tout gris qui opprime tous les autres.

Mettons que la petite taupe est le peuple tchécoslovaque et que tous les autres animaux qui viennent dans le film sont les autres pays de l'est. Tous ont une peur instinctive du renard qui assoit son pouvoir dans la forêt sur la terreur. Les enfants de 1972, ceux qui regardaient le court-métrage ne devaient pas le voir. Les parents qui les accompagnaient recevaient le message 5/5 et se réjouissaient que la petite taupe et ses amis de la forêt viennent frégler leur compte à ce renard antipathique.

Car en début du film, la taupe sort devant une maison où de nombreux pots de peinture ont été posés. Quand le renard chasse la taupe, celle-ci tombe dans la couleur rouge. Voilà qu'elle parvient à effrayer le renard qui ne comprend pas que la taupe n'est pas le fantôme qu'il croit. Ce qui est cocasse est qu'elle fait le fantôme drapée dans la peinture rouge. Ça aurait pu être une autre couleur, mais Zdenék Miler choisit celui du drapeau soviétique, par un beau retournement de situation, le renard est effrayé par ce qu'il chérit le plus.

Voilà, je délire peut-être un peu, il reste toutes ces magnifiques couleurs qui vont se poser sur les animaux. Moineaux, grenouilles, hibou, grive, hérisson, écureuil, canard, lapin. Tous vont prendre des couleurs, sortir de leur vie normale quelques instants dans un déluge pictural pas tellement éloigné du psychédélisme. Chacun se met à participer à ce carnaval. Quand la nuit arrive, ce sont les arbres que les animaux colorent. Ils sortent de leur grisaille quotidienne et le renard a plus peur que jamais de cette liberté retrouvée.


Il se réfugie dans son bunker, un arbre creux, et se barricade, incapable de comprendre ce délire de couleur. Les animaux en profitent pour se transformer en fauves, le lapin devient un tigre. Mais toute bonne chose à une fin. Le renard n'y est pour rien. C'est la pluie qui met fin à ce moment privilégié de bonheur. En tombant sur la forêt, tout ce met à couler sur le sol et redevient normal. À vrai dire, seul le hibou, abrité sous un arbre, est resté coloré. Comme un sursaut d'espoir qui permet de dire qu'un jour les animaux utiliseront à nouveau les couleurs.






















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