La
petite taupe réenchante le monde et on en a bien besoin par les
temps qui courent. En 1972, c'était la même chose mais un peu
différent, la petite taupe à peine a-t-elle sorti le museau de la
terre pour découvrir où elle sort se fait menacer par un renard. Je
me suis toujours plu à croire que Zdenék Miler parsemait dans ses
films des messages politiques forts. Par exemple, dans La Petite
taupe peintre, le renard symbolise le grand frère soviétique, tout
terne, tout gris qui opprime tous les autres.
Mettons
que la petite taupe est le peuple tchécoslovaque et que tous les
autres animaux qui viennent dans le film sont les autres pays de
l'est. Tous ont une peur instinctive du renard qui assoit son pouvoir
dans la forêt sur la terreur. Les enfants de 1972, ceux qui
regardaient le court-métrage ne devaient pas le voir. Les parents
qui les accompagnaient recevaient le message 5/5 et se réjouissaient
que la petite taupe et ses amis de la forêt viennent frégler leur
compte à ce renard antipathique.
Car
en début du film, la taupe sort devant une maison où de nombreux
pots de peinture ont été posés. Quand le renard chasse la taupe,
celle-ci tombe dans la couleur rouge. Voilà qu'elle parvient à
effrayer le renard qui ne comprend pas que la taupe n'est pas le
fantôme qu'il croit. Ce qui est cocasse est qu'elle fait le fantôme
drapée dans la peinture rouge. Ça aurait pu être une autre
couleur, mais Zdenék Miler choisit celui du drapeau soviétique, par
un beau retournement de situation, le renard est effrayé par ce
qu'il chérit le plus.
Voilà,
je délire peut-être un peu, il reste toutes ces magnifiques
couleurs qui vont se poser sur les animaux. Moineaux, grenouilles,
hibou, grive, hérisson, écureuil, canard, lapin. Tous vont prendre
des couleurs, sortir de leur vie normale quelques instants dans un
déluge pictural pas tellement éloigné du psychédélisme. Chacun
se met à participer à ce carnaval. Quand la nuit arrive, ce sont
les arbres que les animaux colorent. Ils sortent de leur grisaille
quotidienne et le renard a plus peur que jamais de cette liberté
retrouvée.
Il
se réfugie dans son bunker, un arbre creux, et se barricade,
incapable de comprendre ce délire de couleur. Les animaux en
profitent pour se transformer en fauves, le lapin devient un tigre.
Mais toute bonne chose à une fin. Le renard n'y est pour rien. C'est
la pluie qui met fin à ce moment privilégié de bonheur. En tombant
sur la forêt, tout ce met à couler sur le sol et redevient normal.
À vrai dire, seul le hibou, abrité sous un arbre, est resté
coloré. Comme un sursaut d'espoir qui permet de dire qu'un jour les
animaux utiliseront à nouveau les couleurs.
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