Dans
les premières minutes de The Invisible man, aucun mot n'est
prononcé. C'est suffisamment rare dans le cinéma américain pour
que ce soit remarquable et remarqué. Et pour cause, pour appliquer
son plan d'évasion, Cecilia (Elisabeth Moss) ne doit réveiller son
mari Adrian qui dort à côté d'elle. Elle bouge avec lenteur, elle
fait des gestes discrets, elle fait des pas de loup. Seule sa faible
respiration se fait entendre.
The
Invisible man commence là où se terminait Upgrade, dans
une maison isolée du monde, au bord d'un océan et entourée d'un
mur infranchissable à moins d'avoir une autorisation. Cette maison
est la prison de Cecilia. Une prison où les caméras placées
partout surveillent chaque pièce et que Cecilia débranche avec
minutie. La maison est un ensemble de pièces de béton et de verres,
un labyrinthe qu'elle traverse avec précaution.
Le
premier mot prononcé est Zeus. C'est le nom de son chien qui la
suit, mais il s'arrête prudemment. Lui aussi est en prison et dès
qu'elle parvient à lui retirer ce collier, un mouchard, un
instrument de torture qui limite les déplacements de l'animal, le
chien recule par mégarde et touche la voiture. La sirène
s'enclenche et Adrian se réveille en sursaut. Il poursuit Cecilia
qui réussit tout de même à franchir le mur et rejoindre sa sœur
qui l'attend plus loin.
Ce
qui continue de frapper, là aussi d'être remarquable, est le choix
de la lumière du film. On est dans cette première scène d'évasion
dans la nuit, la lumière est sombre, dans une semi-obscurité. Mais
pendant tout le film, cette impression cotonneuse continue, la brume
ne se dissipera jamais vraiment. A la limite, on pourrait presque
croire que tout cela est un cauchemar que vit Cecilia encore après
son évasion.
La
liberté est un exil. Cecilia se cache, grâce à l'aide de sa sœur
Emily (Harriet Dyer), chez James (Aldis Hodge), un flic qui vit avec
sa fille adolescente Sydney (Storm Reid). Le film se calme, il flirte
avec les apparences d'une vie normale où les deux femmes
plaisantent, où elles jouent aux gamines devant le papa responsable.
Cecilia a encore du mal à mettre un pied dehors, malgré les
encouragements de son hôte. Elle est convaincue d'être surveillée.
Cette
vie calme est vite déréglée par des événements improbables (un
gifle à Sydney, un téléphone qui vibre, une boite de médicaments),
des petits accrocs qui se multiplient. On a bien lu le titre du film,
on comprend qu'un homme invisible vient perturber la nouvelle vie de
Cecilia. Personne ne la croit mais le spectateur sait ce qui se
passe. Pour l'instant, elle doit encore comprendre ce qui se passe.
Elle doit faire face à cette inconnue qui s'apparente à du
paranormal.
Pour
une fois, c'est le regard de la victime qui écrit le récit. Voilà
la différence la plus flagrante avec d'autres films sur l'homme
invisible (celui auquel je pense est Hollow man où le point
de vue est celui du personnage de Kevin Bacon). Pour corser encore
plus le tout, on ne connaît pas le visage d'Adrian qui est
probablement l'homme invisible – tout le laisse supposer – ce
visage de l'homme n'était pas visible dans la séquence d'évasion.
Comme
dans Upgrade, The Invisible man parle de l'homme
amélioré. La technologie ouvre la porte à un monde tyrannique. Une
tyrannie qui plonge notre héroïne dans la folie, dans un chaos dont
elle a toutes les peines du monde à sortir. Personne, à part le
spectateur, n'accepte d'adopter le regard de Cecilia, de la croire et
les retournements de situation, tous plus spectaculaires les uns que
les autres dans la deuxième heure, en font l'un des films les plus
excitant du moment.
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