Au
moment de la présentation des deux dernières parties des
Histoire(s) du cinéma à Un certain regard (Cannes 1997), il
était sorti un double CD avec l'intégralité de la bande sonore de
Nouvelle vague. Musique. Dialogues. Son. Le son plus que
l'image, pour reprendre l'une de ses anciennes formules de la
décennie 1970 Son + Image. Je ne sais pas quel effet ça peut faire
sans les images de la Suisse, sans Alain Delon et les autres acteurs,
sans les fleurs et les arbres parce que déjà avec l'ensemble du
film, c'est pas simple.
Rappel :
le rythme des productions des films du cinéaste s'est ralenti avant
la sortie de Nouvelle vague. Deux films tournés en 1987,
Soigne ta droite et le longtemps invisible King Lear produit
par la Globus, sorti seulement en 2002 et encore très
confidentiellement. Deux moyens-métrages toujours invisibles, des
commandes commerciales (Le Rapport Darty et Puissance de la
parole pour France Telecom). Bref, faire un film avec Alain
Delon, lui aussi dans une pente descendante, a suscité un regain
d'intérêt.
Delon
est double, le film procède à un récit en miroir. Le premier qui
apparaît est un Alain Delon égaré dans la campagne, effrayé par
des voitures qui foncent sur la route. Dans ses quelques films
suisses, la voiture est présente comme jamais. C'est le son des
moteurs, des klaxons, des portes qui claquent qui prend une part
importante dans la bande son. C'est assourdissant ces bruits, ils
sont violents parfois et ils coupent les dialogues des acteurs,
encore plus que d'habitude, laissant n'entendre que ce que Godard
veut nous faire écouter.
En
pull coloré, en débardeur, en short, en t-shirt blanc, Alain Delon
n'a pas habitué les spectateurs à venir dans le cadre vêtu comme
ça. Sauf dans Notre histoire de Bertrand Blier. Son air
hébété, apeuré, candide est également inhabituel. Dans la
première partie, il subit, il se tait souvent, ce sont les autres
qui parlent, qui giflent les femmes, qui avancent. Alain Delon se
contente de rester sur place. Dans la deuxième partie, il redevient
Delon, l'homme en costume, solide comme un roc, patron de l'usine.
La
nature est au milieu de ces voitures. Le lac, les routes de campagne
et devant la grande maison, le jardinier que joue Roland Amstutz ne
fait pas que s'occuper des fleurs et des arbustes. Il soliloque de la
philosphie. Il le fait comme dans un film de Straub et Huillet, ceux
des déclamations dans la nature, Noir pêché, La Mort
d'Empédocle, une vague qui se creusera plus encore à partir de
2002 dans les films des Straub. J'y vois moins un hommage qu'un clin
d’œil amusé, les cinéastes Godard et Straub sont totalement sur
la mise en scène dans la nature.
Le
film est scandé par des cartons blanc sur noir comme des indications
de chef d'orchestre pour chorégraphier ces son, dialogues et musique
où tout est double, la blonde patronne (Domiziana Girodana), la
brune employée (Laurence Côte), la vieille voiture Citroën, les
Mercedes rouge vif, les intérieurs sinistres (la maison, l'usine),
les extérieurs apaisants. Jean-Luc Godard filme tout autant les
fleurs que ses acteurs. Cela dit, c'est pas le plus simple des
Godard, je me suis un peu perdu dans tout ça.
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