Dès
le premier plan de Tommaso, c'est frappant cette ressemblance
incroyable entre Willem Dafoe et Abel Ferrara, c'est lui qui est
devant la caméra, dans cet salle de classe. Simple question de
cadrage et de lumière (une lumière étrange, tout en teinte ocre, à
vrai dire c'est la couleur d'une peau au soleil à laquelle j'ai
pensé, d'ailleurs le film est entièrement estival), le visage
devient celui d'un autre un instant et dans notre esprit, c'est bel
est bien Ferrara que l'on voit.
Voici
donc étalée sur près de deux heures la vie de ce Tommaso comme
l'appellent tout le monde. Il s'appelle Tommy, ou sans doute Thomas,
mais depuis qu'il habite à Rome il est devenu Italien. Filmé à
Rome certes, mais il ne faut pas s'attendre à voir un seul lieu
touristique, bien au contraire, la ville est vide des ses habitants.
On entend les cigales à tue-tête et les clochards ivres mort qui
gueulent dans la rue.
Ce
qui frappe aussi ce sont les longs plans qui accompagnent Tommaso
dans sa vie. Si on ne connaissait pas l'acteur (ici dans un rôle
tellement opposé à The Lighthouse, quoique) on pourrait voir dans
Tommaso un documentaire sur un cinéaste américain exilé à Rome.
On le suit dans toutes ses activités (comme ce groupe de discussion
d'anciens drogués), dans son travail de cinéaste (il prépare un
film qui se passe en Sibérie), dans les courts de relaxation qu'il
donne.
Ainsi
la première scène est dans une salle de classe. Tommaso apprend
l'italien avec une jeune femme brune. Il est le seul élève. Il le
parle un peu, plutôt pas mal, non sans quelques hésitations. Il est
connu dans son quartier, il passe d'un café à une boulangerie à
une épicerie bio. Tous les magasins sont tenus par des femmes. Le
monde est tenu par des femmes, à moins que tout cela ne soit que le
fantasme de Tommaso, un fantasme perpétuel.
Mais
la femme qui est toujours dans l'esprit de Tommaso c'est sa copine de
30 ans de moins que lui et avec laquelle il a eu une petite fille.
Nikki (Cristina Chiriac) et DeeDee (Anna Ferrara, la très jeune
fille du cinéaste). Le trio offre des scènes terre à terre où
tout se passe à merveille. Papa s'occupe de sa fille, il est
follement amoureux de sa femme. Ils se font des bonnes pasta
le soir, ils se sourient tout le temps.
Tout
cela serait écœurant si quelque chose ne venait durablement et
sûrement perturber cette vie charmante et idyllique. Trop belle pour
être vraie. Petit à petit, sa routine créée à Rome entre ses
travaux et sa famille déraille. Ce sont des visions qu'il a, il
imagine des choses terribles (se faire arrêter, sa fille se faire
écraser et surtout, il voit un type rouquin tourner autour de Kiki
avec une arrogance qu'il ne supporte pas).
Ces
choses terribles vont peser sur le couple Tommaso Nikki. Abel Ferrara
observe ces embûches de la même manière qu'il filmait la vie bien
rangée. Il délaye des petits signes, des regards inquiets, des
paroles en trop. Il faut les distinguer des pans de scénario du film
créés par Tommaso. C'est une plongée dans un cerveau narcissique
et paranoïaque où tout passe par le visage de Willem Dafoe, c'est
assez fascinant bien qu'un tout petit peu trop long.
1 commentaire:
Dans le premier plan du film, quand Tommaso
traverse la cour, la caméra a du mal à le
saisir dans son mouvement. Il y a une sorte
de filage vidéo plutôt crade qui accompagne
l'arrière du personnage. Matériel de prise
de vue un peu trop cheap vu l'intensité
lumineuse romaine ?
Mais aussi difficulté à suivre Tommaso et
Abel Ferrara, qui vont trop vite, trop loin
(la fin du film, quand même ...).
De quels feux brûle encore Ferrara, exilé et,
qui l'eut cru, père de famille ?
Son film est magnifique, il ne garde que l'essentiel,
il parle de lui, de nous, de ce qui fait que nous
sommes des êtres sensibles (photo-sensibles ?),
fragiles, désirant.
La preuve qu'il n'y a que l'essentiel : sur la
commode de la chambre nous pouvons voir une
des dernières photos qui a été faite de John Ford.
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