J'ai
toujours aimé regarder Complot de famille, ça ne m'était
pas arrivé depuis bien longtemps mais quand j'étais adolescent dans
les années 1980, le film passait souvent à la télé, sans aucun
doute en français. C'était comme ça sauf pour le cinéma de
minuit. Je crois que ce dernier film d'Alfred Hitchcock n'est pas ce
qu'il a fait de mieux, quand j'écris « je crois », c'est
une pure figure de rhétorique, le film est très en deçà de ses
modèles La Mort aux trousses et Psychose auxquelles
Complot de famille emprunte de nombreux motifs.
C'est
d'abord une comédie, comme l'était La Mort aux trousses,
avec le hasard qui s'immisce dans la vie de couple de petits escrocs,
ils sont plutôt très sympathiques, elle Blanche Tyler (Barbara
Harris) se rend chez des vieilles dames et joue à l'extra-lucide
pour rentrer en contact avec les morts, elle prend la voix d'un
certain « Henry ». Blanche et son compagnon George Lumley
(Bruce Dern) enquêtent en amont sur ces petites vieilles trop
crédules dans l'espoir de les arnaquer de quelques centaines de
dollars. Voici le couple de petits escrocs.
Le
film commence avec eux, avec la bonne bouille de Blanche. L'actrice
joue de ses mimiques pour simuler son don, elle bouge beaucoup son
visage et change sa voix avec une manière grotesque. Rien n'est
crédible mais ça marche, la vieille dame à qui elle espère
soutirer 10000$ croit à cette histoire. Elle charge Blanche de
retrouver son neveu abandonné depuis son enfance. C'est George qui
fait le limier entre ses trajets en taxi, non sans se faire engueuler
par son patron. Bruce Dern lui joue le gars constamment énervé, une
vraie pile électrique qui ne tient pas en place.
Comme
dans Psychose, sans prévenir, le récit fait une bifurcation,
habilement dressée par la rencontre percutante entre le taxi de
George et une jeune femme blonde. Alors qu'Alfred Hitchcock filmait
la longue conversation entre George et Blanche sur cet héritier
potentiel à trouver (elle ne connaît ni son nom, ni son adresse),
on bifurque sur un autre récit et sur un deuxième couple d'escrocs
emmené par Fran (Karen Black), immense femme blonde qui traverse la
rue. La narration commence toujours par les femmes dans Complot de
famille.
Ce
hasard au coin d'une rue tout à fait improbable est le même hasard
dans La Mort aux trousses qui fait passer Cary Grant pour un
personnage qu'il n'est pas. Il n'y a aucune probabilité pour que
Fran soit justement l'épouse de ce neveu abandonné par la vieille
dame qui consulte Blanche. Mais je me suis toujours demandé comment
Hitchcock réussissait à instaurer l'idée que Fran va mener à cet
héritier. Mais d'abord il faut suivre l'arnaque de cette mystérieuse
femme blonde qui, contrairement à la bavarde Blanche, ne dit pas un
mot.
Ce
couple d'escrocs que forme Fran avec Arthur Adamson (William Devane)
est parallèle avec Blanche et George mais il en est l'antithèse.
Tout d'abord parce que les escroqueries d'Arthur sont bien plus
importants. Il vole des diamants. Surtout, ses plans sont extrêmement
élaborés comme on le découvre dans ce long trajet silencieux
qu'effectue Fran pour aller récupérer ce diamant contre la
libération de leur otage. La minutie de leur coup est montrée dans
tous les détails. Là réside le plaisir principal du film, dans
cette organisation planifiée.
Il
ne reste plus qu'à les confronter les deux couples et à explorer le
passé, car la narration flotte aussi vers la mort : les défunts
avec qui Blanche peut communiquer, les deux visites au cimetière et
Hitchcock qui apparaît au dessus du mot « death ». Or,
Arthur n'est rien d'autre qu'un mort qui continue de hanter la vie de
sa tante mais aussi de ceux qui l'ont aidé à s'inventer une
nouvelle vie et qu'il va se charger de faire disparaître, se sentant
menacé par l'enquête bouillonne mais efficace de Blanche et George.
Ils sont aux trousses d'un mort bien vivant.
Le
voleur de diamant, cet Arthur déclare le sourire en coin qu'il va
cacher le joyau qu'il vient de subtiliser là où « tout le
monde peut le voir ». Ça m'a toujours fasciné cette idée de
mettre un diamant volé sur un lustre entouré de verre blanc (j'aime
beaucoup le finale quand Blanche le trouve grâce à des dons qu'elle
découvre enfin). Quand le dernier plan de Snake eyes
commence, Brian de Palma installe aussi son diamant à la vue de tous
mais personne ne le voit. J'ai toujours vu ce dernier plan de Snake
eyes comme un hommage évident au dernier film d'Alfred
Hitchcock.
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