Dans
le purgatoire de mes DVD que je n'ose pas regarder depuis des années,
Ichi the killer a eu une nouvelle chance grâce à First love. Il était là depuis presque 15 ans à attendre d'être à
nouveau visionné. Même si Ichi the killer n'est pas un film
facile, j'en garde un excellent souvenir (comme je le disais dans mon
texte sur First love, ça date de l'époque bénie où Takashi
Miike était à la mode – comme Takeshi Kitano, mais ceci est une
autre paire de manche) et parfois ce que j'ai aimé des années plus
tôt (ah j'étais si jeune) me laisse de marbre (exemple le plus
terrible, Hana-bi justement où j'ai tenu lamentablement 15
minutes).
Deux
heures de tortures intensives par une bande de yakuzas dégénérés,
voilà tout le programme d'Ichi the killer. Ichi, son nom est
sur toutes les lèvres, mais personne ne connaît son identité. Ichi
est la machine infernale qui a tué le chef d'un clan yakuza, Anjo.
Ce qu'on voit dans ces premières scènes aux images triturées,
hachées, découpées à la serpe, c'est un amas de chair et de
boyaux, du sang sur tous les murs et au plafond. Puis trois types en
combinaisons blanches qui viennent nettoyer la pièce. On nage en
pleine barbarie et le film ne va pas être avare d'autres horreurs
bien sanguinolentes. Show time !
Il
faut venger Anjo dit Kakihara (Tadanobu Asano), l'amant de son
patron. En tout cas, c'est ce que les rumeurs disent. Tadanobu Asano,
le meilleur acteur japonais des années 2000 s'est taillé un look
pas possible pour son personnage. Cheveux blonds, pantalon bariolé,
chemise à fleurs et veste extravagante. Son visage offre les traces
de cicatrices horizontales. C'est sa bouche qui marque le plus, elle
est étendue telle celle du Joker (impossible de ne pas penser
à la composition de Joaquin Phenix en regardant Ichi the killer,
d'ailleurs Kakihara meurt comme
le Joker de Jack Nicholdon). Deux piercings tiennent ce trou
béant (le nihilisme du film) que Kakihara retirera une fois pour
avaler les poing d'un adversaire.
Dans
ce festival de torture, Kakihara ne manque pas d'imagination. Il
suspend par des crocs sur la peau du dos un yakuza tatoué avant de
l'asperger d'huile bouillante dans laquelle il vient de cuire des
tempuras de crevettes. Un austre suspect sera encadré dans un
poste de télé et transpercé de longues aiguilles de métal. Puis
avec deux flics jumeaux bien dingos, il découpe une femme. Dans ce
traité sur le sado-masochisme, Kakhira ne déteste pas non plus
avoir très mal. En guise de contrition, il se coupe « le
membre le plus utile », sa langue et son amie Karen (Alien
Sun), qui a l'étrange particularité de parler anglais, remplace
Anjo qui avait l'habitude de frapper Kakihara pour assouvir ses
pulsions.
Mais
revenons à Ichi (Nao Ômori), un gnome à la timidité maladive qui
le pousse à espionner les pervers sexuels (ce maquereau ultra
violent qui frappe sa prostituée avant de la violer). Ichi se
masturbe devant la violence et la brutalité et délivre une masse
importance de sperme. Une fois le maquereau tranché en deux (l'une
des scènes cathartiques du film dans un délire comique
irrésistible), il osera dire à la pauvre femme toute amochée qu'il
continuera à la cogner pour lui faire plaisir. Le tout avec un
sourire de taré et des yeux exorbités qui évoquent la matière
première du film : un manga graphique où toutes les
extravagances sont permises.
Entre
Ichi le pervers narcissique et Kakihara l'adepte de SM, c'est une
chasse au chat et à la souris. Chacun y va de son massacre mais ce
que ces deux dégénérés ignorent, c'est qu'ils sont manipulés par
Jijii (Shinya Tsukamoto, le réalisateur de Tetsuo, lui aussi
est bien oublié). Un type difforme dans tous les sens du terme
(hilarant quand il enlève son pardessus et révèle un corps
bodybuildé). L'un de mes amis, grand admirateur de cinéma japonais
et de ce film, disait de lui qu'il avait une tête d'étron. J'ai
toujours pensé à cette formule pour ce personnage de Jijii qui est
là sans être là, qui observe de loin (en vidéo surveillance) et
qui hypnotise Ichi.
Car
Ichi aurait souffert d'un traumatisme dans son adolescence. Un truc
bien profond qui l'a rendu tel qu'il est aujourd'hui. Quand Takashi
Miike annonce que Jijii l'a sans aucun doute hypnotisé, il faut
aussi voir qu'il se moque de la psychologie des personnages et de ces
traumas d'enfance qui expliquent trop souvent les raisons de leurs
crimes. Takashi Miike n'est pas dupe et préfère pousser encore plus
dans l'horreur dans ses retranchements (si j'ose dire). Pour finir,
une note sur le générique de fin que j'aime beaucoup avec les
crédits (en japonais, je ne les comprends pas) qui viennent dans
tous les sens, haut, bas, droite, gauche, à l'image du film. On ne
sait pas dans quel sens ça va mais à la fin à peu près tout le
monde meurt.
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