Takashi
Miike a été à la mode. Jadis. Par exemple, en 2004, j'ai vu au
moins quatre films de Takashi Miike en salles, les 3 Dead or alive
et Gozu. Dès qu'un DVD sortait (par exemple Ichi the
killer), dès qu'un festival passait un de ses films (par exemple
Big bang love juvenile A), les fans dont je faisais partie se
précipitaient pour voir ces films. Mais Takashi Miike n'est plus à
la mode. Son dernier film sorti avant First love date de 2011,
Hara kiri, mort d'un samouraï. En 8 ans, il a tourné 16
films.
Ce
qui frappe, c'est la ressemblance du scénario de First love
avec celui du Lac aux oies sauvages. Tout se passe de nuit
dans une unité de temps, deux inconnus – un homme et une femme –
se rencontrent sans se connaître et doivent faire face à
l'adversité, ici aussi des malfrats et des policiers. Là encore, il
pleut souvent mais moins que dans le polar de Diao Yinan. Mais assez
vite, le ton de First love et son esthétique divergent
radicalement du Lac aux oies sauvages. Pour faire simple,
Takashi Miike propose une comédie burlesque au milieu des yakuzas.
En
tête du film, un boxeur loser qui s'effondre par KO lors d'un match.
Lui est persuadé d'être bon , mais pendant tout le film, tandis que
les personnages s’agglomèrent au récit, tout le monde va lui
reprocher d'être un minable et de s'être effondré par un coup
droit « mollasson ». Plus tard dans la nuit, le boxeur va
croiser une jeune femme junkie, camée jusqu'au dernier degré. Elle
est prisonnière de malfrats qui la prostituent, tout ça pour
rembourser une dette que son père aurait contracté. C'est lui qui a
vendu sa fille.
Qui
croise-t-on dans les rues mal famées de Tokyo ? Un flic
corrompu, un yakuza qui tranche la tête de ses victimes au sabre,
les geôliers de la jeune droguée, le père de cette dernière qui
va danser en slip dans le métro et d'autres encore. Il faut dire la
vérité, dans la première demi-heure de First love Takashi
Miike se plaît embrouiller les intrigues, à passer d'un personnage
à un autre, à ne pas expliquer ce qui se passe. On est un peu perdu
d'autant plus qu'il refuse la psychologie. Là est plus grande
différence avec Le Lac aux oies sauvages.
Ses
hommes et ses femmes qui peuplent son film ressemblent à des
figurines de bandes dessinées. Ils sont liés par un motif ténu :
cinq paquets de drogue ont été volés. Tout le monde veut récupérer
cette drogue et chacun élabore des plans qui vont lamentablement
foirer. C'est dans ces échecs que réside l'essentiel de l'humour du
film. Ces échecs lancent une nouvelle course poursuite avec une
nouvelle piste narrative. Le récit bifurque sans cesse pour
finalement retomber sur ses pattes car Takashi Miike maîtrise son
film de bout en bout.
Le
finale, hilarant mais ultra-violent, se déroule dans un supermarché
dans un hommage simultané à George A. Romero (tous les personnages
ressemblent à des zombies, ils ne sont plus que l'ombre d'eux mêmes,
hagards, titubants, s'exprimant par grommellements) et à Sammo Hung
/ Jackie Chan (on utilise les objets du quotidien pour se battre).
Dans ce combat final, il ne s'agit que s'éliminer les uns les
autres. Tous les protagonistes se rejoignent pour en finir. C'est
cela le cinéma de Takashi Miike que j'aime.
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