mercredi 22 janvier 2020

La Tête contre les murs (Georges Franju, 1958)

« Dans toutes les sociétés du monde, les bêtes féroces on les met hors d'état de nuire ». La bête féroce de La Tête contre les murs s'appelle François Géranne (Jean-Pierre Mocky). La preuve, il fait du moto-cross dans la campagne, il est vêtu de cuir de la tête aux pieds, il dit des gros mots, il va dans des soirées de jeunes et il a des dettes de jeu. Et pas qu'un peu, c'est ainsi que débute le portrait de ce jeune homme de 25 ans.

Une jeune femme débarque. Elle s'appelle Stéphanie (Anouk Aimée) mais François dira d'elle « Stéphanie l'emmerdeuse » (c'est la partie gros mots du film). Elle est venue pour l'avertir que celui à qui il doit de l'argent commence à sérieusement s'impatienter. Ils discutent gentiment et ils rentreront à Paris, elle grimpe sur la selle arrière de la moto et ils foncent jusqu'à un dancing où la jeunesse de 1958 oublie ses ennuis en dansant avec des grands gestes sur de la musique très forte.

Il n'a pas de chance François, personne ne veut lui prêter de l'argent pour rembourser ses dettes. Alors, il décide d'aller voler son père, un avocat fortuné si on en croit l'immense demeure où il réside. Il fait nuit noire et ce père traite ce fils ingrat de « bête féroce », c'est ce père avocat qui prononce cette phrase terrible ci-dessus. Pour mettre hors de nuire ce fils, il le fait interner dans un hôpital psychiatrique.

Cet hôpital psychiatrique ou cet asile de fou, un terme que nie le chef de l'établissement, le Docteur Varmont (Pierre Brasseur) est au milieu de nulle part. L'architecture du lieu est décrite avec subtilité. On en voit quelques bouts, notamment par des dessins des patients, mais c'est plus tard lors des tentatives d'évasion qu'on comprend la complexité de l'établissement, presque un labyrinthe dans lequel plusieurs dizaines de malades vivent.

Varmont veut « protéger la société » de ces malades. Lui, il ne traite pas les internés de bêtes féroces mais il en impose avec sa voix grave et son corps massif. Sa première scène dans le film le montre martial, coiffé d'un chapeau, suivi des ses carabins, il est le maître des lieux et entend bien le rester. Mais paradoxalement, son discours n'est pas aussi dur que sa prestance, il s'adoucira même au fur et à mesure qu'il est confronté à François.

Ce dernier cherche à toute force à s'évader. Il se fait vite un copain dans l'asile. Un type timide, Heurtevent (Charles Aznavour) qui contraste avec les quelques excentriques que présente Georges Franju quand tout le monde est réuni à la cantine. Heurtevent trimballe un baluchon toujours avec lui. Il semble normal malgré se fêlure mais lors d'une évasion, il est pris d'une crise d'épilepsie qui terrorise François. Il le laissera agonisant dans la nature.

Ce que je trouve le moins réussi dans La Tête contre les murs est la confrontation entre la méthode de réclusion prônée par Varmont et celle plus libérale que cherche à établir son concurrent Emery (Paul Meurisse). Cet affrontement doctrinaire reste un peu théorique (ils causent beaucoup tous les deux) et ralentit parfois le rythme du film. Mais il montre le nouveau monde qui combat l'ancien monde.


Jean-Pierre Mocky, auteur du scénario, revendique ce film – finalement son premier film comme celui de Georges Franju – l'un des rares en France à parler de la folie et de ses malades. Les dialogues sont percutants et le scénario d'une grande vivacité, on reconnaît bien le style de Mocky. Mais le film emporte tout avec la musique de Maurice Jarre, toute en boucles sonores qui déclament la litanie et l'ennui des malades avant d'exploser dans une variation de free jazz.



































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