« Dans
toutes les sociétés du monde, les bêtes féroces on les met hors
d'état de nuire ». La bête féroce de La Tête contre les
murs s'appelle François Géranne (Jean-Pierre Mocky). La preuve,
il fait du moto-cross dans la campagne, il est vêtu de cuir de la
tête aux pieds, il dit des gros mots, il va dans des soirées de
jeunes et il a des dettes de jeu. Et pas qu'un peu, c'est ainsi que
débute le portrait de ce jeune homme de 25 ans.
Une
jeune femme débarque. Elle s'appelle Stéphanie (Anouk Aimée) mais
François dira d'elle « Stéphanie l'emmerdeuse » (c'est
la partie gros mots du film). Elle est venue pour l'avertir que celui
à qui il doit de l'argent commence à sérieusement s'impatienter.
Ils discutent gentiment et ils rentreront à Paris, elle grimpe sur
la selle arrière de la moto et ils foncent jusqu'à un dancing où
la jeunesse de 1958 oublie ses ennuis en dansant avec des grands
gestes sur de la musique très forte.
Il
n'a pas de chance François, personne ne veut lui prêter de l'argent
pour rembourser ses dettes. Alors, il décide d'aller voler son père,
un avocat fortuné si on en croit l'immense demeure où il réside.
Il fait nuit noire et ce père traite ce fils ingrat de « bête
féroce », c'est ce père avocat qui prononce cette phrase
terrible ci-dessus. Pour mettre hors de nuire ce fils, il le fait
interner dans un hôpital psychiatrique.
Cet
hôpital psychiatrique ou cet asile de fou, un terme que nie le chef
de l'établissement, le Docteur Varmont (Pierre Brasseur) est au
milieu de nulle part. L'architecture du lieu est décrite avec
subtilité. On en voit quelques bouts, notamment par des dessins des
patients, mais c'est plus tard lors des tentatives d'évasion qu'on
comprend la complexité de l'établissement, presque un labyrinthe
dans lequel plusieurs dizaines de malades vivent.
Varmont
veut « protéger la société » de ces malades. Lui, il
ne traite pas les internés de bêtes féroces mais il en impose avec
sa voix grave et son corps massif. Sa première scène dans le film
le montre martial, coiffé d'un chapeau, suivi des ses carabins, il
est le maître des lieux et entend bien le rester. Mais
paradoxalement, son discours n'est pas aussi dur que sa prestance, il
s'adoucira même au fur et à mesure qu'il est confronté à
François.
Ce
dernier cherche à toute force à s'évader. Il se fait vite un
copain dans l'asile. Un type timide, Heurtevent (Charles Aznavour)
qui contraste avec les quelques excentriques que présente Georges
Franju quand tout le monde est réuni à la cantine. Heurtevent
trimballe un baluchon toujours avec lui. Il semble normal malgré se
fêlure mais lors d'une évasion, il est pris d'une crise d'épilepsie
qui terrorise François. Il le laissera agonisant dans la nature.
Ce
que je trouve le moins réussi dans La Tête contre les murs
est la confrontation entre la méthode de réclusion prônée par
Varmont et celle plus libérale que cherche à établir son
concurrent Emery (Paul Meurisse). Cet affrontement doctrinaire reste
un peu théorique (ils causent beaucoup tous les deux) et ralentit
parfois le rythme du film. Mais il montre le nouveau monde qui combat
l'ancien monde.
Jean-Pierre
Mocky, auteur du scénario, revendique ce film – finalement son
premier film comme celui de Georges Franju – l'un des rares en
France à parler de la folie et de ses malades. Les dialogues sont
percutants et le scénario d'une grande vivacité, on reconnaît bien
le style de Mocky. Mais le film emporte tout avec la musique de
Maurice Jarre, toute en boucles sonores qui déclament la litanie et
l'ennui des malades avant d'exploser dans une variation de free jazz.
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