mardi 16 octobre 2018

La Charge héroïque (John Ford, 1949)

Chaque matin quand son fidèle Quincannon (Victor McLaglen) vient le réveiller à 5h42, à moins que ce ne soit 5h41), le Capitaine de cavalerie Nathan Brittles (John Wayne) coche sur son calendrier de l'année 1876 les jours qui lui restent avant de prendre sa retraire. La Charge héroïque s'étend sur six jours, du lundi au vendredi, quelques temps après la chute du Général Custer évoquée par la voix off qui entame le film. Brittles s'habille en vitesse, vient humer l'air frais du matin dans ce fort en plein territoire indien, près de Monument Valley, tandis que Quincannon boit un peu de whisky d'une bouteille cachée dans une cruche.

John Wayne n'avait que 42 ans au tournage du film mais John Ford lui fait teindre les cheveux en gris, Brittles est censé avoir servi 40 ans dans l'armée américaine. Il n'est pas le seul à partir à la retraite, Quincannon met fin à sa carrière dans quelques jours également. Les deux têtes de la cavalerie ont déjà leurs remplaçants, deux jeunes militaires, le brun, le lieutenant Flint Cohill (John Agar) et le blond, le sous-lieutenant Ross Pennell (Harry Carey Jr), deux gars qui se chamaillent régulièrement, non sans un bonne dose d'amitié, le premier rabrouant régulièrement le second puisque il est son supérieur hiérarchique.

L'objet de leur querelle s'appelle Olivia Dandridge (Joanne Dru), c'est elle qui porte le ruban jaune qui donne son titre anglais au film (la mode du titre français de western était à l'héroïsme quand bien même le récit le contredit), un symbole de fiançailles. Seulement voilà, Olivia n'indique pas lequel des deux jeunes soldats elle a choisi. Comme Shirley Temple dans Le Massacre de Fort Apache, Olivia joue les espiègles et passe de l'un à l'autre, augmentant la jalousie chez chacun d'eux, sous l'œil amusé de Brittles qui n'interviendra qu'en fin de film pour qu'Olivia cesse enfin son petit double jeu.

La retraite est aussi celle du fort. Brittles doit évacuer Olivia et Madame Allshard (Mildred Natwick), l'épouse du commandant du fort. Les Indiens menacent d'attaquer, la guerre est proche. D'ailleurs les nuages l'annoncent (c'était déjà de cette manière que John Ford annonçait le conflit final dans Le Massacre de Fort Apache), nuages orageux et menaçant magnifiés par les du Technicolor, un déluge de couleurs et en tout premier ce jaune du ruban d'Olivia. Mais aussi le désert autour de Monument Valley et les tenues de tous les personnages, soldats de la cavalerie comme les Indiens des différentes tribus.

Le ton est volontiers badin dans La Charge héroïque, il ne comporte pas de personnage autoritaire comme celui de Henry Fonda. On danse de façon moins guindée que dans Le Massacre de Fort Apache mais tout de même en beau costume, on se conte fleurette (mais il faut vite regagner son poste et protéger Olivia d'une attaque soudaine), on plaisante sur l'alcoolisme de Quincannon (il affirme qu'il ne boit pas depuis telle ou telle bataille). Puis le ton passe vers le tragique, chaque scène enjouée est interrompue, suspendue par un événement qui vient trouble la quiétude éphémère.


Mais Brittles a une phrase fétiche, comme le personnage Henry Fonda en avait une. Pour encourager ses troupes dans l'adversité, il leur affirme « qu'il ne faut pas s'excuser parce que c'est un signe de faiblesse ». La force de Brittles c'est sa douceur gagnée par ses cheveux blancs, celle qui le fait négocier avec les vieux Indiens quand les jeunes veulent la guerre, celle qui l'émeut quand ses hommes lui offrent une montre et qu'il enfile ses lunettes, celle qui l'oblige à mettre Quincannon en taule pour le protéger. Finalement, en guise de retraite solitaire, Brittles accepte un nouveau poste dans l'armée.

























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