Chaque
matin quand son fidèle Quincannon (Victor McLaglen) vient le
réveiller à 5h42, à moins que ce ne soit 5h41), le Capitaine de
cavalerie Nathan Brittles (John Wayne) coche sur son calendrier de
l'année 1876 les jours qui lui restent avant de prendre sa retraire.
La Charge héroïque s'étend sur six jours, du lundi au
vendredi, quelques temps après la chute du Général Custer évoquée
par la voix off qui entame le film. Brittles s'habille en vitesse,
vient humer l'air frais du matin dans ce fort en plein territoire
indien, près de Monument Valley, tandis que Quincannon boit un peu
de whisky d'une bouteille cachée dans une cruche.
John
Wayne n'avait que 42 ans au tournage du film mais John Ford lui fait
teindre les cheveux en gris, Brittles est censé avoir servi 40 ans
dans l'armée américaine. Il n'est pas le seul à partir à la
retraite, Quincannon met fin à sa carrière dans quelques jours
également. Les deux têtes de la cavalerie ont déjà leurs
remplaçants, deux jeunes militaires, le brun, le lieutenant Flint
Cohill (John Agar) et le blond, le sous-lieutenant Ross Pennell
(Harry Carey Jr), deux gars qui se chamaillent régulièrement, non
sans un bonne dose d'amitié, le premier rabrouant régulièrement le
second puisque il est son supérieur hiérarchique.
L'objet
de leur querelle s'appelle Olivia Dandridge (Joanne Dru), c'est elle
qui porte le ruban jaune qui donne son titre anglais au film (la mode
du titre français de western était à l'héroïsme quand bien même
le récit le contredit), un symbole de fiançailles. Seulement voilà,
Olivia n'indique pas lequel des deux jeunes soldats elle a choisi.
Comme Shirley Temple dans Le Massacre de Fort Apache, Olivia
joue les espiègles et passe de l'un à l'autre, augmentant la
jalousie chez chacun d'eux, sous l'œil amusé de Brittles qui
n'interviendra qu'en fin de film pour qu'Olivia cesse enfin son petit
double jeu.
La
retraite est aussi celle du fort. Brittles doit évacuer Olivia et
Madame Allshard (Mildred Natwick), l'épouse du commandant du fort.
Les Indiens menacent d'attaquer, la guerre est proche. D'ailleurs les
nuages l'annoncent (c'était déjà de cette manière que John Ford
annonçait le conflit final dans Le Massacre de Fort Apache),
nuages orageux et menaçant magnifiés par les du Technicolor, un
déluge de couleurs et en tout premier ce jaune du ruban d'Olivia.
Mais aussi le désert autour de Monument Valley et les tenues de tous
les personnages, soldats de la cavalerie comme les Indiens des
différentes tribus.
Le
ton est volontiers badin dans La Charge héroïque, il ne
comporte pas de personnage autoritaire comme celui de Henry Fonda. On
danse de façon moins guindée que dans Le Massacre de Fort Apache
mais tout de même en beau
costume, on se conte fleurette (mais il faut vite regagner son
poste et protéger Olivia d'une attaque soudaine), on plaisante sur
l'alcoolisme de Quincannon (il affirme qu'il ne boit pas depuis telle
ou telle bataille). Puis le ton passe vers le tragique, chaque scène
enjouée est interrompue, suspendue par un événement qui vient
trouble la quiétude éphémère.
Mais
Brittles a une phrase fétiche, comme le personnage Henry Fonda en
avait une. Pour encourager ses troupes dans l'adversité, il leur
affirme « qu'il ne faut pas s'excuser parce que c'est un signe
de faiblesse ». La force de Brittles c'est sa douceur gagnée
par ses cheveux blancs, celle qui le fait négocier avec les vieux
Indiens quand les jeunes veulent la guerre, celle qui l'émeut quand
ses hommes lui offrent une montre et qu'il enfile ses lunettes, celle
qui l'oblige à mettre Quincannon en taule pour le protéger.
Finalement, en guise de retraite solitaire, Brittles accepte un
nouveau poste dans l'armée.
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