C'était
déjà le cas de La La Land, l'ouverture de First man
est très réussie. Caméra embarquée dans le cockpit d'une avion
supersonique avec Neil Armstrong (Ryan Gosling) comme pilote. La vue
est très limitée, la vitre qui permet de voir à l'extérieur est
pas bien grande, et d'ailleurs on ne voit pas grand chose parce que
ça tangue, ça remue, ça déstabilise la vision. Le cockpit n'est
pas bien grand non plus, on est coincé là-dedans, impression de
claustrophobie accentuée par le format scope, grand paradoxe. Et
soudain, tout se calme, Armstrong a rebondi sur l'atmosphère, on
distingue dans l'horizon le ciel et la terre.
C'est
sur Terre que l'astronaute se sent claustrophobe, coincé dans sa
petite famille. Il vit en Californie avec son épouse Janet (Claire
Foy). La vie sur le plancher des vaches est d'une tristesse abyssale,
leur fille a un cancer et plutôt que appesantir sur ce malheur,
Damien Chazelle l'élude à grands coups d'ellipse. La fillette est à
l'hôpital, le plan suivant, on l'enterre. Quelques minutes plus
tard, les Armstrong sont en Floride près de Cap Kennedy et Janet est
enceinte. Entre temps, Armstrong s'est fait saqué par ses supérieurs
et il décide de s'engager dans la mission Gemeni. Nous sommes en
1961, il faudra 8 ans pour qu'il foule le sol lunaire.
Ryan
Gosling incarne un homme taciturne, ce qui nuit un peu à l'ambiance
familiale qui s'agrandit. Son jeu est toujours aussi intériorisé et
ses deux courtes scènes de larmes, en début puis en fin de film,
toujours à la pensée de la mort de sa petite filles, se font en
secret sans les montrer à quiconque. Il a du mal à causer surtout à
ses deux fils quand sa femme exige qu'il explique que peut-être il
ne pourra pas revenir de sa mission. Car les morts s'accumulent parmi
les astronautes, tous des voisins des Armstrong. L'opinion publique
s'en mêle (des manifestations) comme les politiques (des discours à
la Maison Blanche) et critiquent les dépenses gouvernementales.
Comme
dans ses deux films précédents, Damien Chazelle n'est pas encore
très doué pour le relationnel, pour l'intime (l'un des écueils
dans Whiplash comme La La Land). Certes, la vie
familiale est entièrement liée à ces 8 ans que dure le récit de
First man, mais c'est le spectaculaire qui lui réussit le
mieux. C'est un spectaculaire qui confine souvent à l'abstraction.
Dans l'accident survenu lors de la mission Gemini 8, c'est un voyage
rarement filmé ainsi. Lorsque la navette vrille en toupie dans
l'espace, on se croirait transporter dans un film expérimental,
toujours du point de vue d'Armstrong coincé dans son cockpit, c'est
la plus belle séquence de First man.
On
est très loin du film d'espace habituel où la technologie est
grandiose avec des grandes navettes spacieuses et perfectionnées.
Gemini 8 comme Apollo 11 sont des navettes brinquebalantes où les
boulons couinent, les tôles se frottent dans un brouhaha chaotique
(superbe travail sur le son), ou les boutons et les leviers semblent
vétustes. Tout cela pourrait se détraquer en un clin d’œil. Même
si on connaît l'issue du film, le suspense est à son comble lors de
l'arrivée des astronautes sur la lune, tour de force de mise en
scène. Le film fait l'éloge de l'artisanat, car la NASA des années
1960 c'est du travail d'artisan et j'imagine que Damien Chazelle se
voit comme un artisan du cinéma.
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