En
2011, il fallait choisir entre Drive et Crazy stupid love.
Choisir entre deux films avec Ryan Gosling, ou ne pas choisir. C'est
cette année que l'acteur canadien, à 31 ans, est devenu la
coqueluche de Hollywood. Jusqu'à ce moment-là, cette année-là,
jusqu'à la présentation de Drive de Nicolas Winding Refn au
Festival de Cannes (en compétition), Ryan Gosling restait cantonné
au cinéma indépendant tendance Sundance hardcore.
Ses
choix se sont portés vers cette forme, après Calculs meurtriers
de Barbet Schroeder (le film où je l'ai découvert) en 2002, après
The Notebook de Nick Cassavetes (que devient-il?), il fait des
films un peu mous, pas franchement enthousiasmants et pour certains
totalement oubliés, où sa nonchalance naturelle (Half Nelson),
où son autisme feint (Lars and the real girl), où son
romantisme désuet (Blue Valentine) ont fait merveille.
J'imagine
que venant d'où Ryan Gosling vient, le Disney Club comme Britney
Spears, Justin Timberlake ou Christina Aguilera, d'une série
adolescente couillonne (Young Hercule, dans le rôle éponyme)
l'acteur a voulu s'en éloigner le plus possible. Il a voulu se faire
oublier du public qu'il a si longtemps diverti. Il est remarquable de
noter que ce changement de ton chez Ryan Gosling vient d'un couple de
cinéastes gays et d'un réalisateur danois.
Nicolas
Winding Refn filmait avant Drive des corps massifs (Mad
Mikkelsen, Tom Hardy) avant de donner à Ryan Gosling une seconde
peau, ce blouson iconique avec un scorpion brodé sur le dos. Glenn
Ficarra et John Requa choisissent de placer l'acteur au centre d'une
comédie du remariage, après le délicieux I love you Phillip Morris, il sera le témoin de la déliquescence du couple et moteur de sa
reconstruction.
La
dichotomie que subit Jacob le personnage de Ryan Gosling est composée
de la nudité simple de l'acteur et de costumes extrêmement chic.
Quand il est habillé, Jacob est un séducteur né. Il lui suffit de
murmurer à l'oreille des demoiselles pour finir la nuit avec eux.
Sémillant, le jeune trentenaire remarque un quinquagénaire qui
échoue à draguer. C'est Carl (Steve Carell) qui vient de se séparer
de son épouse Emily (Juilanne Moore).
Séparation
difficile qu'il espère oublier avec les femmes. Jacob va devenir son
professeur et commence par lui apprendre à revêtir une nouvelle
peau, c'est-à-dire à devenir Jacob lui-même, à s'habiller avec de
beaux costumes, à changer de coiffure et à redresser son corps.
Crazy stupid love est un immense traité sur le corps et Jacob
le montre, dans un vestiaire, dans le plus simple appareil, exposant
sa nudité et son sexe à son ami qu'il a pris sous son aile.
Le
film est une suite de quiproquos et de faux-semblants. L'un d'eux est
la place d'Hannah (Emma Stone) dans ce vaudeville amoureux. Jacob la
drague mais elle résiste et tandis que Carl devient un séducteur,
Jacob tombe amoureux d'elle et arrête de draguer. Comme le faisaient
les Wachowski avec Channing Tatum dans Juspiter ascending,
Ryan Gosling est réduit à un simple objet de désir, rôle dévolu
à Hollywood aux actrices.
Hannah
demande à Jacob d'enlever sa chemise (elle reste habillée pendant
toute la scène), il reste ainsi pendant toute la séquence sans que
cela n'ait de raison valable si ce n'est d'admirer ce torse nu (« on
dirait une image photoshop » dit-elle les yeux écarquillés)
dans une mise en scène queer et camp. C'est dans ce double
mouvement, l'homme dur mais juste de Drive et dans cette
nudité décomplexée et digne d'un album beefcake que la carrière
de Ryan Gosling s'est forgée et épanouie.
Le
couple Emma Stone Ryan Gosling se reformera dans La la land de
Damien Chauzelle pour partition totalement différente, largement
plus prude où s'exprime clairement un haine du corps. Crazy
stupid love tentait de former un duo des années 1930, mettons
Gary Cooper et Marlen Dietrich dans Désir de Frank Borzage,
Cary Grant et Katharine Hepburn dans Bringing up baby de Howard Hawks. J'exagère un peu là, je sais, mais j'aime beaucoup de
film.
1 commentaire:
Bringing up baby d'Ernst Lubitsch ?
Mais vous êtes impossible, monsieur Dorel.
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