Je
ne suis pas certain que Marlene Dietrich soit très à l'aise dans
l'univers d'Ernst Lubitsch. J'imagine que le cinéaste voulait
prendre sa « revanche » sur l'actrice, elle qui était
parvenue à être si géniale dans Désir, produit par
Lubitsch mais réalisé par Frank Borzage, à la fois drôle face à
Gary Cooper et touchante dans les rets de sa vie passée qu'elle
tentait de fuir avec ce plouc d'Américain. Ange a des allures
de Sérénade à trois, un ménage à trois mais dans le plus
grand secret cette fois.
Le
secret de Maria, le personnage de Marlene Dietrich n'est jamais
réellement révélé, mais on le devine grâce à la Duchesse (Laura
Hope Crews), une femme rondouillarde qu'Ernst Lubitsch filme dans un
travelling sur la droite à travers les fenêtres de son
établissement. On la soupçonne tenir une maison de rendez-vous
galants pour mondains et gens de la haute désœuvrés, elle connaît
tout ce beau monde en costumes complet. Ainsi, Maria quitte Londres
pour Paris pour aller voir la Duchesse et elle se présente comme
« une vieille amie » auprès du majordome.
Ce
monde de la Duchesse, elle l'a quitté pour épouser un Lord, un
diplomate de sa Majesté le Roi de Grande-Bretagne. Il s'appelle Lord
Barker (Herbert Marshall) et il passe son temps de conférence pour
la Société des Nations en commissions dans un but noble :
éviter la guerre. Car déjà, quelques années avant To be or not
to be, Ernst Lubistch évoque la situation en Europe et ce
conflit qu'il devine devoir s'abattre. C'est donc à cause de cette
guerre à éviter que Maria s'ennuie profondément chez elle et
qu'elle part batifoler dans le continent.
Seule,
elle attire l'attention d'un autre solitaire, Anthony Halton (Melvyn
Douglas), lui aussi à Paris et à la recherche d'un bon moment, quel
meilleur endroit aller que chez la Duchesse ? Elle ne lui
donnera pas son nom, il décide de l'appeler Angel (ou Ange en
français) et ils s'embrasseront dans un parc. Mais quand il
s'éclipse une minute pour lui acheter un bouquet de violettes, la
belle inconnue s'enfuit sans demander son mot. Il va passer le reste
du film à tenter de la retrouver, elle est partie de Paris pour
retrouver son diplomate de mari.
A
vrai dire, ce ménage à trois ne fonctionne jamais vraiment, le film
est régulièrement lent avec quelques soubresauts où Ernst Lubitsch
agite sa mise en en scène magique. Les domestiques du couple Barker
ont parmi les plus belles scènes comme celle du sauté de veau
qu'ils découvrent mangé ou entier dans l'assiette de leurs patrons
et de leur invité (en l'occurrence Anthony Halton). Les domestiques
dont Graham (Edward Everett Horton) n'analysent pas comme le public
qui en sait plus qu'eux sur les raisons pour lesquelles ce veau n'a
pas été mangé par Maria et Halton.
Un
autre employé de Barker a une belle scène dans un hippodrome.
Wilton (Ernest Cossard) se promène au bras de sa fiancée Emma et il
est tout fier de prouver qu'il connaît tout le monde. En l'espèce,
tous ceux qu'il salue sont des majordomes des aristos et autres
nobles. Puis Emma croise enfin quelqu'un qu'elle connaît, la salue
avec un grand geste, ce qui choque Wilton, son visage exprime un peu
de condescendance pour cette joie exprimée si simplement lui qui
faisait découvrir à sa chérie le monde de la haute.
Les
deux hommes vont finir par se rencontrer, sans que l'un sache que
l'autre connaît Maria et vice-versa. Or en discutant, ils ne
découvrent par le secret de l'Ange mais se rendent compte qu'ils ont
eu une maîtresse commune, des années plus tôt, une certaine
Paulette. Là encore Ernst Lubitsch est à son meilleur pour ce genre
de discussions où le spectateur a de l'avance sur les personnages.
Un mot de trop menace de révéler des secrets si bien cachés et
c'est dans ces quelques scènes que Ange séduit le plus, la
Lubitsch's touch avec parcimonie.
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