jeudi 24 mai 2018

Manhattan stories (Dustin Guy Defa, 2017)


Tout commence dans un lit. Voici Benny (Bene Coppersmith) réveillé en sursaut par un coup de téléphone, ailleurs Claire (Abbi Jacobson) qui espérait dormir un peu plus, mais son chat en a décidé autrement, là Wendy (Tavi Gevinson) qui est déjà levée et en train de faire son lit, enfin Ray (George Sample III) qui dort dans le canapé de Benny. Dustin Guy Defa choisit la manière la plus simple pour entamer Manhattan stories, cueillir ses personnages au petit matin et les suivre toute la journée.

Etape suivante, quitter leur domicile. Wendy est encore lycéenne ou étudiante, en tout cas, elle vit chez ses parents. Coupe garçonne très Jean Seberg, jamais un sourire, maigre comme un clou (son petit déjeuner consiste à boire un jus de fruits), elle va rejoindre sa meilleure amie qui elle veut retrouver son petit copain et présenter un mec à Wendy. Les deux amies font l'école buissonnière. Elles vivent dans les beaux quartiers, vers Central Park.

Claire prend son vélo et quitte Brooklyn pour aller travailler à Chinatown, dans le sud de Manhattan. Elle commence un nouveau boulot, stagiaire dans un canard nommé New York News. Son patron (Michael Cera), fan de death metal, la charge d'enquêter sur un suicide suspect. En vérité, le patron du journal veut coucher avec elle et il fait le mariole devant elle qui se rend vite compte que ce boulot d'enquête où elle quémande des indices n'est pas fait pour elle.

Benny est le mec le plus positif de New-York, il encourage Ray a sortir de sa torpeur. Ce dernier a fait un sale coup à sa copine, mis sur Internet des photos dénudées. Ray déprime et n'ose plus sortir. D'autant que le frangin de la petite amie a bien l'intention de lui péter la gueule. Benny part sur son vélo (comme Claire) mais reste à Brooklyn, son coup de fil lui avait annoncé une bonne nouvelle, on lui propose d'acheter un vinyle rarissime de Charlie Parker.

A cela, il faut ajouter un trio de petits vieux dans Chinatown. Jimmy (Philip Baker Hall) est horloger. Il mène une vie lente et s'apprête à réparer une montre qui va prendre une importance croissante. Il reçoit la visite de deux de ses amis qui s'installent sur le porche de sa petite boutique où les clients ne sont nombreux. Et ils papotent. Pendant ce temps, Claire et son patron, en planque, viennent poser des questions à Jimmy sur cette montre.

La petite musique de ces histoires et de quelques autres est entraînante. Ce sont des récits minimalistes, tout à fait dans l'esprit du cinéma indépendant newyorkais actuel (Benny Safdie joue un petit rôle dans l'histoire de Ray). Avec cette importance pour la bienveillance vis-à-vis des personnages, une nonchalance narrative appréciable. Les quelques coups de théâtre qui viennent mettre des bâtons dans les roues (de vélo) sont donnés sur un ton comique.

L'esprit choral du récit est assez vite balayé, il ne s'agit pas pour le cinéaste de faire se croiser ses personnages s'ils n'ont pas de raison de le faire. Ce qui va les lier est leur rapport à la loi et au crime. Petit crime quand Benny comprend qu'il a été escroqué (une course-poursuite en vélo délicieuse est mise en scène), gros crime avec l'enquête de Claire, Wendy débarque sur le lieu d'un meurtre et Ray a commis un acte peu charitable.

Il faut signaler que le titre français du film Manhattan stories est un peu bête (le titre original est Person to person) ne serait-ce que parce qu'une moitié des histoires se déroule à Brooklyn. Il faut aussi signaler la grande maîtrise du montage dans le passage d'une histoire à l'autre, tout en harmonie, évidemment comme je l'écrivais plus haut parce que le cinéaste rejette cette idée du coup de théâtre et du lien forcé. Le film a été tourné en 16mm ce qui confère ce joli grain cinéma.

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