mercredi 30 mai 2018

Model shop (Jacques Demy, 1968)

En 1967, le couple Agnès Varda Jacques Demy file à Hollywood appelé par les sirènes de la gloire. « Le premier cinéaste de la Nouvelle Vague à Hollywood » disait-on. Agnès Varda tournera deux courts-métrages Uncle Yanco en octobre 1967 sur un lointain cousin de son père, Black Panthers l'été 1968 puis Lion's love en 1969. Jacques Demy tout auréolé de sa Palme d'or (Les Parapluies de Cherbourg) et des Demoiselles de Rochefort starring Gene Kelly et George Chakiris part travailler pour la Columbia.

Agnès Varda le raconte à l'envi, le premier choix de Jacques Demy pour le rôle masculin était Harrison Ford, il avait 25 ans, beau comme un Dieu mais pas encore connu. Il a fait des essais pour le film, cela est évoqué dans Les Cents et une nuits et Les Demoiselles ont eu 25 ans d'Agnès Varda. Au lieu de cela, le studio impose ou propose, peu importe, Gary Lockwood, acteur de télé qui venait de jouer Frank dans 2001 l'odyssée de l'espace (HAL l'assassine dans l'espace). Il est fringant dans son jean et son t-shirt bleu.

L'abandon des décors colorés de ses deux précédents films n'est pas une nouveauté, Lola et La Baie des Anges étaient dans une vision réaliste. Model shop commence par un très long travelling arrière à la grue (on dépense l'argent en mouvement d'appareil) tandis que les cartons du générique défilent. C'est la Californie, sa plage, ses derricks qui puisent le pétrole, ses maisons de bois. Enfin on arrive dans la maison de George (Gary Lockwood), au petit matin, il est couché dans son lit avec sa petite amie blonde.

Comme ce travelling l'imprimait dès sa première séquence, Jacques Demy met en scène un continuel trajet. George a un bien qu'il aime par dessus tout, sa voiture, une General Motors de 1952. Il va passer toute sa journée, le temps du film, à trouver de l'argent pour que sa voiture ne lui soit pas enlevée. Ces trajets permettent aussi à Jacques Demy de faire le touriste, de montrer Hollywood dont il filme les belles maisons, les grandes avenues tellement éloignées de la France.

Pendant que George met de l'essence dans sa voiture, une superbe femme brune arrive dans sa Cadillac blanche, elle-même est toute habillée de blanc, portant des lunettes de soleil. Jacques Demy a embarqué dans ses bagages Anouk Aimée qui reprend son prénom de Lola. George la suit de loin, c'est tout un jeu de reflets (rétroviseur), de distance (les voitures se rapprochent et s'éloignent), d'obstacles (les vitres des automobiles comme des limites) qui se met en place. Enfin, ils se rencontrent.

Anouk Aimée évoque son passé avec des photographies en noir et blanc, des photos du tournage de Lola. Dans ce cadre intime, George la prend en photo, c'est la plus belle séquence de Model shop. Elle troque sa robe blanche pour une tenue plus légère, guêpière et boa coloré, elle refait les poses de Lola la séductrice assise dans un fauteuil, enfin joyeuse et souriante, un moment de grâce dans cette journée banale. George reviendra chez lui non sans ne pas cesser de penser qu'à Lola jusqu'au coup de téléphone final filmé avec un zoom qui s'approche de son visage.


Model shop a été un énorme échec public. Il faut dire que le film est franchement ennuyeux, souvent très bavard. Jacques Demy ne fera plus jamais de film à Hollywood pas plus qu'Agnès Varda, il reviendra en France tourner Peau d'âne, son meilleur film, avant d'aller vers d'autres projets rarement heureux (L’Événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune), des productions assez faibles (Le Joueur de flûte de Hamelin) et des nanars éprouvants (Lady Oscar puis Parking).























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