En
1967, le couple Agnès Varda Jacques Demy file à Hollywood appelé
par les sirènes de la gloire. « Le premier cinéaste de la
Nouvelle Vague à Hollywood » disait-on. Agnès Varda tournera
deux courts-métrages Uncle Yanco en octobre 1967 sur un
lointain cousin de son père, Black Panthers l'été 1968 puis
Lion's love en 1969. Jacques Demy tout auréolé de sa Palme
d'or (Les Parapluies de Cherbourg) et des Demoiselles de
Rochefort starring Gene
Kelly et George Chakiris part travailler pour la Columbia.
Agnès
Varda le raconte à l'envi, le premier choix de Jacques Demy pour le
rôle masculin était Harrison Ford, il avait 25 ans, beau comme un
Dieu mais pas encore connu. Il a fait des essais pour le film, cela
est évoqué dans Les Cents et une nuits et Les Demoiselles
ont eu 25 ans d'Agnès Varda. Au lieu de cela, le studio impose
ou propose, peu importe, Gary Lockwood, acteur de télé qui venait
de jouer Frank dans 2001 l'odyssée de l'espace (HAL
l'assassine dans l'espace). Il est fringant dans son jean et son
t-shirt bleu.
L'abandon
des décors colorés de ses deux précédents films n'est pas une
nouveauté, Lola et La Baie des Anges étaient dans une
vision réaliste. Model shop commence par un très long
travelling arrière à la grue (on dépense l'argent en mouvement
d'appareil) tandis que les cartons du générique défilent. C'est la
Californie, sa plage, ses derricks qui puisent le pétrole, ses
maisons de bois. Enfin on arrive dans la maison de George (Gary
Lockwood), au petit matin, il est couché dans son lit avec sa petite
amie blonde.
Comme
ce travelling l'imprimait dès sa première séquence, Jacques Demy
met en scène un continuel trajet. George a un bien qu'il aime par
dessus tout, sa voiture, une General Motors de 1952. Il va passer
toute sa journée, le temps du film, à trouver de l'argent pour que
sa voiture ne lui soit pas enlevée. Ces trajets permettent aussi à
Jacques Demy de faire le touriste, de montrer Hollywood dont il filme
les belles maisons, les grandes avenues tellement éloignées de la
France.
Pendant
que George met de l'essence dans sa voiture, une superbe femme brune
arrive dans sa Cadillac blanche, elle-même est toute habillée de
blanc, portant des lunettes de soleil. Jacques Demy a embarqué dans
ses bagages Anouk Aimée qui reprend son prénom de Lola. George la
suit de loin, c'est tout un jeu de reflets (rétroviseur), de
distance (les voitures se rapprochent et s'éloignent), d'obstacles
(les vitres des automobiles comme des limites) qui se met en place.
Enfin, ils se rencontrent.
Anouk
Aimée évoque son passé avec des photographies en noir et blanc,
des photos du tournage de Lola. Dans ce cadre intime, George
la prend en photo, c'est la plus belle séquence de Model shop.
Elle troque sa robe blanche pour une tenue plus légère, guêpière
et boa coloré, elle refait les poses de Lola la séductrice assise
dans un fauteuil, enfin joyeuse et souriante, un moment de grâce
dans cette journée banale. George reviendra chez lui non sans ne pas
cesser de penser qu'à Lola jusqu'au coup de téléphone final filmé
avec un zoom qui s'approche de son visage.
Model
shop a été un énorme échec public. Il faut dire que le film
est franchement ennuyeux, souvent très bavard. Jacques Demy ne fera
plus jamais de film à Hollywood pas plus qu'Agnès Varda, il
reviendra en France tourner Peau d'âne, son meilleur film,
avant d'aller vers d'autres projets rarement heureux (L’Événement
le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune), des
productions assez faibles (Le Joueur de flûte de Hamelin) et
des nanars éprouvants (Lady Oscar puis Parking).
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