S'il
y a bien une chose qu'Agnès Varda n'arrive pas à faire, c'est
prendre du recul. Elle prend fait et cause pour les Black Panthers
qu'elle filme à Oakland, Californie l'été 1968. On est très loin
de la distance amusée que prenait Chris Marker dans Lettre de
Sibérie qui commençait comme une ode à l'URSS et poursuivait
dans l'ironie. Dix ans ont changé le monde, la guerre du Viet Nam
surtout et l'assassinat de Martin Luther King Jr en avril 1968
qu'Agnès Varda évacue en une phrase.
Plus
que l'approche non violente du pasteur, elle admire la milice des
Black Panthers, cette armée tout de noir vêtue, béret sur la tête,
lunettes opaques au visage qui suit les flics quand les flics tracent
des Noirs. D'ailleurs les policiers sont renommés les cochons.
Pendant ces 27 minutes, Agnès Varda propose une mise en scène de
propagande d'une redoutable efficacité, pour aboutir à cette image
ultime de la vitrine criblée de balles de la police, symbole de cet
acharnement.
Au
cœur du film se trouve deux événements, l'emprisonnement de Huey
Newton, fondateur des Black Panthers. Des chanteurs scandent « Free
Huey », on danse en levant les poings, des drapeaux bleus sont
déployés. La pelouse du tribunal d'Oakland est occupée par des
manifestants. Ils restent silencieux, debout au garde à vous, Agnès
Varda va écouter Huey Newton dans sa prison, il parle de révolution
maoïste pour son peuple.
L'autre
événement est la candidature de Eldridge Cleaver à l’élection
présidentielle (Richard Nixon la gagnera) pour le Peace and Freedom
Party (la preuve selon Varda que les Black Panthers sont pour la
paix). Son épouse Katherine fait des meetings, distribue des tracts.
Agnès Varda appuie que les Black Panthers est aussi un mouvement
féministe. Elle filme leur cheveux qu'elle conserve dans leur forme
naturelle et non lissés comme à Hollywood.
Ce
reportage, comme le signale le carton en guise de générique, et non
un documentaire, a beau ne pas prendre de recul, il est construit
avec panache. La voix d'Agnès Varda est vive, jamais elle n'a parlé
aussi rapidement dans un de ses courts-métrages, donnant un maximum
d'informations, loin de sa nonchalance habituelle. La construction du
film est un modèle de montage organique avec des plans magnifiques.
Evidemment, il a été refusé par l'ORTF gaullienne.
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