A
la télé (cadre dans le cadre, image pauvre), le président Johnson
fait un bilan de sa présidence. Malgré la guerre au Viet Nam, il
est satisfait de lui. « Freedom and Liberty » dit-il en
regardant les téléspectateurs devant leur petit écran, symbole de
la propagande d'état. Dans la rue, nos trois new-yorkais ne
regardent pas la télé, ils élaborent des plans pour échapper à
l'armée, mais de grâce ils veulent oublier cette guerre insensée.
Inséparables,
Paul Shaw (Jonathan Warden), Lloyd Clay (Gerrit Graham) et Jon Rubin
(Robert De Niro) cherchent des vêtements dans une boutique de
fringues. On observe les faux raccords volontaires, le vendeur et un
autre client intervertissent régulièrement leur place tandis que le
trio continue de discuter, le spectateur est obnubilé par le flot de
leur dialogues largement improvisés mais d'une certaine puissance
comique.
Ces
faux raccords de cette première séquence n'est pas seulement un
sympathique pastiche du style de Jean-Luc Godard, il irrigue toute la
mise en scène de Greetings, très chaotique, passant d'un
personnage principal à un autre, laissant de côté celui de Robert
de Niro, pour suivre essentiellement Paul. Ce chaos dans la vie de
Paul, Lloyd et Jon est provoqué par cette guerre du Viet Nam et
touche tous les autres personnages.
Après
avoir échoué à se faire passer pour un homo lors de la
conscription, Paul cherche à trouver une femme (marié il échappera
à l'armée). Il passe par un site de rencontres par ordinateurs,
donc prétendument scientifique. Il rencontre trois femmes, la
première est une sorte de psychopathe déjà en robe de soirée,
tançant violemment le pauvre Paul, la troisième est qualifiée de
mystique adepte de la mode hippie, entre elles il fuit devant une
mère au foyer.
Lloyd
est lui-même très perturbé, il est déjà un adepte du complot et
trimballe avec lui des photos de l'assassinat de Kennedy. Il est
persuadé que sur certaines photos un tireur est caché (son nom est
systématiquement couvert par un bip de censure), il demande à une
amie de les agrandir et moins il discerne quelque chose sur l'image
plus il est persuadé de voir cette chose. Sur le corps d'une fille à
moitié nue, passablement assoupie, il dessine la trajectoire de la
balle.
L'une
des scènes drolatiques de Greetings a lieu dans une librairie
où Lloyd rangeant inlassablement des bouquins sur l'étal croise un
type encore plus timbré que lui. En utilisant le film témoin de
l'assassinat de JFK par Abraham Zapruder (qui dure à peine une
minute), c'est déjà le décorticage et l'analyse d'une séquence
qui échappe au sens visuel. L'obsession de Lloyd tourne à la
paranoïa aiguë, surtout lors du rendez-vous avec ce type au sud de
Manhattan.
Un
autre détraqué aborde Jon, il veut vendre sous le manteau un porno
en 8mm. Il n'est pas précisé si cet homme qui aborde Jon a repéré
qu'il est un voyeur, il observe dans cette même librairie une femme
à travers un rayon de livres. Par un joli retour de paradoxe, Jon va
filmer avec une petite caméra 8 mm, là aussi, une femme rencontrée
dans la librairie. Il la fait se déshabiller et il se place dans le
rôle du voyeur obscène.
Jon
choisit pour se faire réformer de se faire passer pour un
suprématiste blanc genre membre du KKK. le film se termine sur un
drôle de pied de nez, Jon est au Viet Nam en pleine traque de Viet
Cong interviewé par un reporter en costume cravate, comme si la
guerre était une simple émission de divertissements. Mais Jon ne
produit pas les images que le reporter attend de lui, il va à la
rencontre de cette Vietnamienne pour parler avec elle.
Sur
l'escalier du centre de l'armée est assis Brian De Palma, court
moment de figuration. Le cinéaste essaime quelques objets lui
appartenant tel le Hitchcock Truffaut. Greetings est encore un
joyeux fourre-tout pas encore abouti, loin de là, trop influencé
par ses idoles. Il s'amuse avec les images (accéléré soudain à la
Godard), il rend hommage à Blow up d'Antonioni (une scène de
photo à laquelle assiste Lloyd).
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