Somme
toute, les gags de The Party ont une moindre importance,
certains ont même beaucoup vieillis, (le film de Blake Edwards sort
aux USA en mai 1968), que la mise en scène. Le formalisme esthétique
de The Party tient en une formule toute simple : Hrundi
V. Bakshi, que Peter Sellers joue avec douceur, est un personnage du
cinéma muet égaré dans un film parlant. Certes Bakshi cause aux
autres invités mais ce ne sont que des dialogues phatiques, de
strictes répliques de convention débitées par un homme qui ne
connaît personne à cette soirée.
Il
s'est égaré chez les Clutterbuck par mégarde. Le producteur
Geoffrey Clutterbuck (Stephen Liss) surnommé « le général »
avait inscrit son nom sur une feuille de papier, non pas pour
l'inviter comme le croyait sa secrétaire, mais pour le virer. Bakshi
est figurant dans un film en costumes censé se dérouler en Inde.
Après avoir ruiné la scène où il jouait de la trompette, il
appuie sur le détonateur qui fait exploser le fort avant que le
réalisateur de ce film ne lance le moteur de la caméra.
Cette
séquence initiale annonce les déboires et catastrophes que va
déclencher Bakshi chez ses hôtes. Il détonne dès son arrivée
dans la propriété du général. Il débarque dans une minuscule
automobile et se gare, tant bien que mal, entre deux grosses voitures
luxueuses. En sortant, du cambouis se répand sur sa chaussure
droite. Il décide de la nettoyer dans la fontaine mais sa chaussure
tombe. Cette chaussure qui dérive sur l'eau (l'un des éléments
clés du film) n'est pas qu'un gag en soi, elle permet de découvrir
cette immense demeure.
L'entrée,
le salon, la salle à manger, le patio, la salle de billard, la
cuisine au rez-de-chaussée, les chambres à l'étage, Bakshi va tout
visiter avec chaque fois de nouveaux invités auxquels il ne sait pas
quoi dire, d'ailleurs personne ne semble le connaître, ni les
maîtres du lieu ni les convives. La maison, traversée par cette
fontaine horizontale, change d'aspect selon la guise de Bakshi qui a
trouvé les boutons pour déplacer automatiquement le bar, les
tables, autant d'objets amovibles qui perturbent la soirée.
La
découverte des lieux prend une bonne demi-heure avant de passer au
repas. Encore une fois, le burlesque est l'affaire du cinéma muet
avec ce serveur qui ne cesse de boire les verres de whisky qu'il
présente à Bakshi (ce dernier ne boit que de l'eau). Le serveur
devient saoul comme un cochon mais doit cependant apporter les plats
et servir le vin. La caméra suit les circonvolutions de notre
ivrogne autour de la table avec de fréquents passages dans la
cuisine où le majordome tente à plusieurs reprises de l'étrangler.
Bakshi
est pratiquement aussi invisible auprès des invités qu'il est muet.
Là encore, sa tenue est terne, un pantalon et une veste beiges quand
tous les autres invités sont colorés, le noir et blanc contre la
couleur. C'est précisément l'eau qui va transformer Bakshi en
personnage visible, après ce repas chaotique, il cherche à aller
faire pipi et le WC du rez-de-chaussée est occupé, il part donc
visiter l'étage et casse la chasse, emplit la cuvette de PQ, ce qui
provoque une belle inondation dans les WC de la chambre des
Clutterbuck.
Tout
trempé, il change de tenue et adopte un pyjama rouge vif. Il se fait
enfin remarquer par Michèle Monet (Claudine Longet) apprentie
actrice et chanteuse venue à cette soirée pour rencontrer le tout
Hollywood. Bakshi n'arrêtait pas de tourner autour d'elle, sans oser
lui parler, son passage à la couleur lui permet enfin d'entrer dans
le même film qu'elle. Michèle passe aussi relativement inaperçue
mais l'addition de ces deux corps sans réelle personnalité va
modifier la tournure de la soirée.
Tous
les éléments du film vont s'unir pour le grand finale. Un éléphant
apporté par des hippies (la fille des Clutterbuck en est) va être
lavé dans la fontaine (il est recouvert de peinture). Quand les
meubles amovibles se déplacent, la demeure devient une immense
piscine et le savon fait mousser le tout. Cette explosion de mousse
est une réponse à la séquence finale des tartes à la crème de
Dr. Folamour, séquence retirée par Stanley Kubrick. Blake
Edwards la recrée pour Peter Sellers dans un délire burlesque et
régressif et libérateur.
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