Dans
une courte scène, Arthur (Vincent Lacoste) se promène au cimetière
de Montmartre, il rend hommage à quelques morts, Koltès, Dominique
Laffin et un long plan s'attarde sur la tombe de François Truffaut.
C'est que Christophe Honoré après plusieurs films au formalisme
poussif (Les Bien aimés, Métamorphoses, Les
Malheurs de Sophie) revient à ce que je préfère chez lui, le
romanesque foisonnant, celui de Dans Paris et des Chansons
d'amour.
Année
1993 annonce le court générique godardien dans l'âme. Après une
présentation symétrique de Jacques (Pierre Deladonchamp) et
d'Arthur, (ils fument une cigarette, ils boivent dans le verre de
l'autre assis autour d'une table), ils se rencontrent, par hasard,
dans un cinéma évidemment, où ils sont venus voir Le Leçon de
piano de Jane Campion, Palme d'or 1993. Le cinéma est presque
vide ce qui permet qu'ils se rapprochent.
La
grande force du film est de laisser la distance entre Jacques et
Arthur, ils restent chacun dans leur ville respective pendant presque
tout le film. Leur relation est épistolaire, ils s'envoient des
cartes postales (geste en hommage à Serge Daney, on marche dans le
film, on court pas), ils se passent des coups de fil (longues
conversations où ils sont littéralement ensemble), mais surtout
Jacques s'entête à vouvoyer son cadet de 13 ans comme s'il était
dans un film d'Eric Rohmer.
Arthur
est un écrivain en herbe, on lit en lui comme dans un livre ouvert.
Isabelle (Sophie Letourneur) la mère du fils de Jacques explique à
Arthur que Jacques compartimente sa vie. Arthur ignorait que son
amoureux avait un fils, il ignorait même qu'il est écrivain, ce qui
donne une scène amusante. Jacques était persuadé qu'Arthur le
draguait au cinéma parce qu'il avait été reconnu. C'est sanns
doute cette candeur qui l'attache à Arthur.
Le
romanesque se développe par petites touches (souvent très drôles)
tout autant sorties de l'imaginaire de Christophe Honoré que de ses
souvenirs personnels, j'imagine une grande part autobiographique, une
authenticité de souvenirs. Un exemple : en plan fixe, Jacques
est allongé sur le lit, en slip, Arthur, habillé, est debout, passe
derrière et d'un geste lui enlève son slip qu'il met dans sa poche
pour garder un souvenir de Jacques.
Les
souvenirs sont autant d'objets disséminés dans les décors des
appartements deux hommes. L'affiche de Querelle de Fassbinder
chez Jacques, celle de Boy meets girl de Leos Carax chez
Arthur, des piles de livres (Jacques lit les lettres de Théo à
Vincent), des photos d'Hervé Guibert sur le mur de la chambre
d'Arthur (un dédale pour s'y rendre). Des magazines de cinéma (pas
les Cahiers), tout ça sans que ça ne tourne à la nostalgie.
Et
soudain arrive des chansons que seuls les gens nés au début des
années 70 peuvent se rappeler, A Rennes, dans un parc, la nuit,
Arthur et ses amis entonnent Pump Up The Volume avant que la musique
ne surgisse de nulle part. Un jeune Breton pris au stop met le CD de
Prefab Sprout lors d'une longue discussion au téléphone entre
Jacques et Arthur où le premier demande quel genre d'amant est ce
dernier.
Plaire
aimer et courir vite évite deux écueils dans lesquels
s'enfonçaient Théo et Hugo dans le même bateau de Ducastel
et Martineau et 120 battements par minutes de Robin Campillo
avec allégresse (autant les comparer puisqu'ils évoquent la
rencontre amoureuse fortuite contrariée par le SIDA) : la scène
de boite de nuit où les corps en transe se libèrent et les scènes
de cul sensuelles où les corps ne font qu'un.
Au
contraire, les scènes d'amour se terminent un peu piteusement,(une
sodomie dans une chambre d'hôtel d'Amsterdam), les personnages sont
maladroits (Jacques avec Marco l'un de ses vieux amis dans une
baignoire). Et il y a celui qui ne baise plus du tout, Mathieu (Denis
Podalydès), le meilleur ami de Jacques qui habite l'appartement au
dessus. Trois génération se superposent pour envisager l'amour.
Plus
que Pierre Deladonchamps et Denis Podalydès (j'ai peu parlé de son
personnage de critique de cinéma, tant pis), Vincent Lacoste emporte
tout. Fabuleuse séquence dans l'appartement de Mathieu. Assis sur le
canapé entre Mathieu et Jacques, Arthur soliloque sur « les
pédés en général », c'est très fort. Le dernier plan lui
est consacré, un superbe regard caméra aussi beau que ceux d'Anna
Karina ou de Jean-Pierre Léaud. Christophe Honoré a trouvé son
acteur miroir.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire