« Mikey,
I'm in trouble », la voix de Nicky (John Cassavetes) est
fébrile quand il appelle son ami Mikey (Peter Falk) – à prononcer
maille-qui et non pas mi-qué – coincé dans une
chambre d'hôtel minable, ironiquement nommé Royal Hotel. Nicky se
saisit d'un revolver, allume une cigarette, ouvre un journal où l'on
parle d'un casse d'un bookmaker qui s'est soldé par des morts.
Débraillé, mal rasé, fatigué, Nicky se terre, il est caché, il
ne sait pas quoi faire à part appeler la seule personne en qui il a
confiance, ce Mikey qu'il connaît depuis plus de 30 ans.
Quand
Mikey arrive en bas de l'hôtel, Nicky regarde par la fenêtre, prend
une bouteille de whisky, l'entoure d'une serviette et la balance sur
le bitume en direction de Mikey. « T'as failli me percer un
œil » dira Mikey, furibard, à son ami une fois qu'il a réussi
à pénétrer dans la chambre. Parce que Nicky a bien du mal à
accepter d'ouvrir la porte, il s'imagine que son pote est venu avec
des tueurs. Ça tambourine à la porte, ça gueule des deux côtés,
ça se lance des reproches, Mikey négocie son entrée dans la
chambre et le regard de Nicky devient celui d'un fou.
Calmer
son ami en l'enlaçant, lui faire ingurgiter un petit calmant pour
adoucir son ulcère et puis sortir en courant aller acheter du lait à
la crème pour avaler les pilules. Et rebelote, Nicky ne veut plus
ouvrir à Mikey. Puis, il faut quitter la ville. Comment partir ?
En train, en avion, en voiture ? Il commence à être tard,
Elaine May concentre le récit de Mikey and Nicky sur quelques
heures, de 21 heures à 5 heures du matin, les gros plans sur les
horloges, sur la montre de Mikey, cadeau de son père décédé 20
ans plus tôt, scandent le tempo du film. Un compte à rebours fatal.
Rarement
j'ai vu un film à l'atmosphère aussi poisseuse accentuée par le
jeu de John Cassavetes, survolté et épuisant pour le spectateur que
je suis. Tout à sa paranoïa, à son anxiété, ses regards perçants
et menaçants sont soudain coupés par un rire rauque plein des
cigarettes que les deux hommes ne cessent jamais de fumer. Peter Falk
est d'un calme impénétrable et ineffable, il cherche à trouver les
mots justes pour calmer son pote. Le contraste est d'autant plus
fulgurant qu'assez vite on comprend que Mikey est là pour surveiller
Nicky.
Quand
Mikey (en marchant nonchalamment) et Nicky (en courant furtivement)
quittent enfin l'hôtel, le film embraye sur un road movie
minimaliste dans divers lieux de Philadelphie. Un bar de nuit rempli
de vieux, un club de Noirs où Nicky drague avec arrogance une jeune
femme ce qui provoque la colère de son mec, un passage dans un bus,
un arrêt dans une épicerie où Nicky achète des bonbons. Et
pendant ce temps, Warren (Ned Beatty) tente, avec toute sa
balourdise, de les suivre, c'est lui qui doit flinguer Nicky sur
ordre de leur patron.
Entre
chaque étape, les deux hommes croisent, appellent, réclament des
femmes. Mikey téléphone à sa femme Annie (Rose Arrick) qui sert de
relais avec le tueur à gages, Nicky se réfugie chez Nellie (Carol
Grace) sa maîtresse blonde qui les accueille et plus tard chez Jan
(Joyce Van Patten) l'épouse de Nicky partie se réfugier chez sa
mère. Ailleurs, une dame dans le bus les rabroue quand Nicky allume
une clope, malgré l'interdiction. Dernière femme, la mère de
Nicky, décédée. Au beau milieu de la nuit, les deux amis pénètrent
dans le cimetière où elle est enterrée.
Regarder
pour la première fois Mikey and Nicky quelques jours après
avoir découvert Ishtar crée un choc esthétique tant les
films sont en apparence opposés, ces deux duos d'hommes ont
cependant en commun de montrer deux gars perdus, erratiques et un peu
minables avec les femmes. L'aspect poisseux du film évoqué plus
haut gangrène l'amitié entre les deux hommes, entre le chien fou en
quête de ses derniers moments de liberté qui insulte puis humilie
et le traître qui ne veut rien d'autre que retrouver le confort de
sa petite maison de banlieue. Tout cela finit très mal.
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