dimanche 8 janvier 2017

Carnets secrets des ninjas (Nagisa Oshima, 1966)

Des centaines de plans composent Les Carnets secrets des ninjas, plus de 2000 selon Nagisa Oshima qui s'était lancé dans un projet totalement à part dans sa filmographie. Le procédé avait déjà expérimenté dans Journal de Yunbogi, court-métrage réalisé juste avant ce long-métrage. Il ne s'agit pas d'un film d'animation classique avec 24 dessins par seconde (ou moins) mais de la photographie au banc-titre des illustrations d'un manga extrêmement populaire au Japon. L'œuvre de Sanpei Shirato est ainsi mise bout à bout pendant les deux heures du film, in extenso. Ce sont les dessins du manga que l'on voit à l'écran, seuls les dialogues sont invisibles.

Le montage organique et très rapide crée le rythme. Les dessins pourtant fixes sont animés par le trait du crayon noir sur fond blanc, par les esquisses des mouvements des personnages, par les gros plans sur les visages effrayés, d'autres sardoniques, par les plans d'ensemble sur les massacres de masse. Le mode de narration est en revanche bien plus classique, une voix off celle du narrateur (Shoichi Ozawa) décrit le contexte des ninjas dans ce Japon du 16ème siècle. Une époque sans calme mais pleine de furie et de sang, un temps de famine et d'impôts que subissent les paysans, un siècle de batailles et de morts entre les clans.

Certains des acteurs de Nagisa Oshima prêtent leurs voix à des personnages dont le plus important est Kagemura, un ninja valeureux qui sera décapité puis reviendra parmi les vivants pour demander vengeance. A vrai dire, il est difficile pour moi de résumer le film tant les rebondissements et les personnages sont nombreux. Au beau milieu du film, la narration fait une pause pour se lancer (uniquement avec la voix off) dans un appendice concernant le clan Kage. Les Carnets secrets des ninjas prend alors des allures de film fantastique avec la description des membres du clan, l'enfant blaireau, l'enfant tortue, l'enfant poisson, à la fois monstrueux et attachants.

La violence est constante dans les rapports entre les personnages, tout n'est que guerre, batailles, meurtres, exécutions, membres coupés, déchiquetés, solitude, haine. Les tyrans, les hommes de pouvoirs sont obsédés par la domination, les ninjas ne vivent que pour la justice et tous s'entrechoquent dans les cadres des dessins. Libéré du poids de la direction des acteurs et de la reconstitution, Nagisa Oshima ne se contente pas d'illustrer un Japon du passé mais élabore une parabole sur le Japon des années 1960, une période de révolte du peuple contre le pouvoir en place. Le film, tout comme le manga, a reçu un écho phénoménal, un plébiscite public lors de sa sortie.






















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