Le
rythme des tournages des films de Charles Chaplin ralentit
considérablement en 1917, quatre courts-métrages seulement dont
Charlot policeman sorti le 22 janvier 1917. Pour la première
fois, Charlot endosse le costume du policeman, lui qui dans ses films
précédents ne cessait jamais de fuir les flics, institution sans
cœur, force de répression et de bêtise à ses yeux. Mais Chaplin
est malin, si son personnage d'indigent devient policeman, c'est pour
échapper à la famine et sûrement pas par conviction ou par
idéalisme.
Son
chef lui assigne un secteur : Easy Street, quartier pauvre de
Los Angeles où une femme famélique est obligée de voler des
denrées à l'épicerie pendant que le patron pique un roupillon.
Elle enveloppe les victuailles dans son tablier et Charlot croit
qu'elle tient son bébé. Il le caresse avant de comprendre la
situation. Ni une ni deux, parce qu'il a un bon fond, il va chercher,
sans payer, d'autres aliments. Puis, avec la jeune fille de la
mission chrétienne (Edna Purviance), il rend visite à un couple
très pauvre et ils donnent à manger à leurs huit enfants.
Il
croise Edna dans la scène d'ouverture. Il est assoupi devant la
mission, il est éveillé par Edna qui chante pendant qu'elle joue de
l'orgue, puis entre dans l'église. Le coup de foudre ! Il tente
de voler la quête mais se ravise, voulant montrer qu'il est un homme
bien. A l'opposé d'Edna, il doit affronter le terrible Eric Campbell
qui règne sur Easy Street à coups de poing. Il ne fait pas peur
seulement aux autres habitants, avec sa carrure imposante, mais aussi
à tous les policemen qui ne semblent pas faire le poids. C'est sans
compter sur Charlot.
Il
a beau lui taper sur la tête avec sa matraque, rien n'y fait, mais
il a plus d'un tour dans son sac et un lampadaire à gaz devant lui.
Il asphyxie le colosse et reçoit les félicitations de son chef.
Jusqu'à ce que Campbell se réveille et poursuive Charlot dans un
minuscule appartement où tout le mobilier sera détruit par les deux
combattants. La joute entre Eric Campbell et Charlie Chaplin, le
costaud et le minus, est fondée sur l'esquive, sur les glissements
des deux hommes entre les meubles, sur l'agilité phénoménale de la
chorégraphie des combats.
Dans
la dernière partie du film, les camarades d'Eric Campbell kidnappent
Edna Purviance et la planquent dans un sous-sol où, bizarrerie, on
aperçoit sur les murs les portraits de l'empereur Nicolas II de
Russie et de son épouse. Les méchants étaient déjà des Russes
(précision, la Révolution bolchevique n'aura lieu qu'en octobre
1917). Autre étrangeté, l'un des malfrats qui menace de violer Edna
se fait une piqûre de drogue avant son méfait. De mémoire, c'est
la plus ancienne image de drogue dure vue dans un film. Easy Street
deviendra idyllique, pur fantasme dû sans aucun doute à cette
drogue.
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