Quelle
que soit la robe qu'elle porte, Mae West porte sa main sur la hanche
gauche et s'élance ainsi dans la pièce avec son chaloupé à faire
pâmer le cœur le plus dur et son déhanché de femme fatale du
cinéma américain des années 1930. Mae West est surnommée Frisco
Doll, la Poupée, dans Annie du
Klondike rare cas de comédie
de Raoul Walsh, mais son vrai nom est Rose Carlton et elle est
chanteuse de cabaret dans le Chinatown de San Francisco des années
1890, l'époque de l'épopée de la ruée vers l'or. Trois hommes
jalonnent le parcours de Rose Carlton, de Chinatown à la bourgade de
Nome dans l'Alaska.
Pourquoi
partir si loin si ce n'est pour échapper à celui qui la retient
prisonnière dans son cabaret depuis un an. Un Chinois nommé Chan Lo
(Harold Huber, totalement grimé en Mandarin) était tombé amoureux
d'elle et la retient jalousement. Il l'appelle sa Perle et il en fait
la vedette de son show où elle chante « I am an Occidental
woman in an Oriental mood for love », dans une robe moulante.
Le contraste de langage entre Chan Lo (un discours métaphorique,
précieux et ridicule) et Rose (du rentre-dedans) est le premier
attrait du film. Elle lui refuse son absence de franchise et décide
d'aller voir ailleurs avec sa fidèle servante.
Le
langage de la Frisco Doll est à peu près le même que celui du
capitaine Bull Brackett (Victor McLaglen), gouailleur et grossier, un
peu brutal mais déterminé. Son cœur de roc va fondre dès qu'il
croise le regard de Rose. Mae West qui écrivait ses propres
dialogues s'en donne à cœur joie dans la petite bataille verbale
avec le rude capitaine. Il devient soudain tout gentil, lui prépare
sa chambre, son repas, sous le regard éberlué de son second. Il
devient un vrai petit toutou et veut aussi garder Rose pour lui tout
seul, il troque sa tenue ordinaire pour le rutilant uniforme et
interdit à quiconque d'approcher de sa belle.
Le
navire quitte la Californie pour l'Alaska avec deux étapes très
importantes pour le récit de Annie
du Klondike. On apprend
d'abord que le Chinois a été assassiné, on ne l'avait pas vu à
l'image et que Rose est recherchée par la police américaine.
Ensuite, une missionnaire la rejoint. Venue prêcher la bonne parole
auprès des gold diggers,
Sœur Annie Alden (Helen Jerome Eddy) offre son livre de bonnes
pensées réformatrices à Rose qui prend goût à cette lecture.
Elle en arrêtera de boire et fumer. Mais quand la police de l'Alaska
débarque, elle troque ses robes à plumes et ses grands chapeaux
pour la petite tunique grise d'Annie et prend sa place.
C'est
là qu'entre en scène le troisième homme, le dernier soupirant de
Rose désormais Sœur Annie. Il ne s'agit rien de moins que
l'officier venu l'arrêter, le sémillant Jack Forrest (Phillip Reed)
avec son manteau de fourrure. La nouvelle Annie va devenir la porte
parole des missionnaires qu'elle rejoint, avec ses manières à elle,
son langage à elle, houspillant Fanny la tenancière du saloon,
secouant les habitudes des tristes membres de la mission. Je n'aime
pas beaucoup la bigoterie mais je dois avouer qu'une certaine
émotion, non dénuée d'ironie, se dégage des sermons d'Annie, la
sainte nitouche la plus joyeuse de l'Alaska et du cinéma de Raoul
Walsh.
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