Belmondo
avait 25 ans, Godard en avait 28. Jean-Paul, c'est le corps gigotant
ses grands bras, remuant la tête, faisant des grimaces, se déplaçant
sans arrêt, Jean-Luc, c'est la voix qui double son acteur pour des
raisons légendaires, sans doute parce que la bande son n'a jamais
existé ou qu'elle a été perdue. Charlotte et son Jules est
le moment de leur rencontre, en 1958, galop d'essai un an avant A
bout de souffle, une comédie amusante et frivole pendant une
douzaine de minutes dans une minuscule chambre.
Un
scénario léger comme une blague de café du commerce. Une jeune
fille aux cheveux courts arrive, la Charlotte en question jouée par
la pimpante Anne Colette, déjà actrice pour Godard dans Tous les
garçons s'appellent Patrick. Elle est dans la voiture de son
nouveau petit ami qui conduit, un Gérard Blain qui va klaxonner dans
la rue pendant qu'elle est là-haut. Charlotte a deux ou trois lignes
de dialogues, quelques courtes répliques, elle écoute surtout le
gars déblatérer. Elle lève les yeux au ciel, fait la moue et se
moque de lui.
Et
le garçon a la bougeotte. D'abord, il se change, il enlève son
petit pull rayé qu'il porte sur un t-shirt blanc (l'état
d’adolescent) à un costume cravate (l'état d'adulte) pendant que
Charlotte, qui porte un chemisier à pois – c'est dire si elle
n'était pas faite pour lui – mange sa glace à deux boules (et
donc à haut sens sexuel) qu'elle ne finira pas et jettera par
l'unique fenêtre. Sur le mur de sa chambre, le gars n'a accroché
que des images et des peintures de filles, des actrices. D'ailleurs
Charlotte se pince d'être une actrice.
Alors
ce garçon de 25 ans de quoi cause-t-il ? Il commence son blabla
sur le mode de la Pomponette qui revient, il imagine qu'elle est
déçue par son nouvel amant. Et il poursuit avec quelques jolis et
plaisants aphorismes sur le cinéma comme Godard aime en sortir. Puis
il affirme qu'il lui rendrait un service s'il se remettait avec elle.
Et il continue avec quelques horreurs misogynes avec deux ou trois
merde, bordel, con. Il essaie de la coincer devant le miroir mais
elle est venue chercher sa brosse à dents et file rejoindre Gérard
en laissant en plan ce crétin de Jean-Paul.
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