C'est
tout d'abord un cadre immaculé, tel une page blanche sur laquelle un
simple trait de crayon apparaît. La caméra amorce un très long
travelling latéral, de la droite vers la gauche soit le sens de la
lecture au Japon. Le trait de crayon se transforme petit à petit,
des fleurs, un paysage puis des personnages prennent forme en ligne
claire, enfin le visage de Jeanne, l'héroïne de Belladonna
se révèle dans l'entièreté du cadre, les couleurs pastels de
l'aquarelle entourent le visage. Le travelling se poursuit tandis
qu'une chanson fredonnée par une voix de femme raconte la triste
histoire de Jean et Jeanne, deux amants maudits dans la France du
16ème siècle. Elle est trop belle pour que les nobles, la reine, le
prêtre la laissent aimer Jean. Ils la veulent pour eux et Belladonna
tentera de raconter cette histoire sombre et funeste.
L'animation
est largement filmée avec ces longs travellings, avec les aquarelles
créées par le peintre japonais Kuni Fukai. Des tableaux qui se
succèdent, des plans fixent qui vont s'animer avec l'arrivée d'un
étrange personnage qui veut également posséder Jeanne. C'est une
sorte de diable rouge en forme de pénis qu'elle va saisir dans sa
main, il la pénétrera dans un plan, très animé cette fois, pure
fantasmagorie. Du sang sort de son vagin par flots entiers et se
transforment en chauves-souris. Parce que Satan l'habite, elle sera
considérée comme possédée. Belladonna est inspiré de
l'écrit de Jules Michelet, La Sorcière. La belle ligne claire du
début devient parfois terriblement sombre et hachée, des taches
noires, quand le malheur s'abat sur les amants. C'est essentiellement
le visage de Jean qui semble perdre toute sa vie, toute sa vitalité,
tandis que Jeanne demeure dessinée comme une icône sensuelle et
sexuelle.
Longtemps
absent des écrans, jamais sorti dans ma petite ville de Grenoble
(c'est pas faute d'avoir demandé aux salles), Belladonna est
bel et bien le film d'animation psychédélique promis. Beaucoup trop
psychédélique à mon goût par ailleurs, j'avoue ma relative
déception, mais je suis content d'avoir le film. Dans cette aventure
au moyen-âge d'une Barbarella aux cheveux longs et soyeux qui
s'envolent telle la liberté qu'elle recherche désespérément,
j'aime la courte séquence où Eiichi Yamamoto filme des figures
dignes de Jérôme Bosch à la sexualité débridée, une femme
éléphant, deux sexes qui s'enroulent, une girafe remplaçant la
verge. La musique est composée par le musicien japonais Masahiko
Sato, qui fait la part belle aux rythmes planants qui ne sont pas
sans évoquer les albums de Frank Zappa du tout début des années
1970 (Apostrophe, 200 Motels ou The Grand Wazzo), des guitares en
slide, du xylophone, des percussions.
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