Hier,
la liste des films nommés aux Oscar a été annoncé, et avec 14
nominations La La Land se taille la part du lion. Après la
bronca phénoménale de l'absence d'acteurs et d'actrices
Afro-américains dans les catégories phares, l'Académie a fait
quelques efforts, ce sont des films qui ne sont pas encore sortis en
France (Moonlight, Fences, Les Figures de l'ombre,
trois films tournés vers le passé, aucun film contemporain, ce qui
en dit long sur ce passé américain qui ne passe pas tout autant que
sur l'incapacité à offrir des rôles actuels, des personnages de
notre temps). Etrangement, comme aux Golden Globes, on a l'impression
que La La Land a déjà gagné.
Presque
aucun acteur Afro-américain dans La La Land, si ce n'est dans
l'épatante séquence d'ouverture, colorée et ensoleillée, des
dizaines de danseuses et de danseurs qui sortent des automobiles lors
d'un terrible bouchon sur un pont d'autoroute de Los Angeles. La
caméra virevolte entre tous ces figurants qui entonnent, les uns
après les autres, la chanson joyeuse dans son air mais sarcastique
dans son ton, on cause pollution, embouteillage, boulot, angoisse, le
tout avec un large sourire par des jeunes gens bien habillés et
jolis de leur personne. Tout le film est résumé dans ces quelques
minutes, un réalisme de vie banale décrit avec les artifices de la
comédie musicale.
Donc
deux gentils Blancs, Sebastian (Ryan Gosling) et Mia (Emma Stone) qui
se croisent sur cette autoroute. Lui écoute du jazz dans sa Buick
décapotable et elle répète pour une audition dans sa Toyota Prius.
Dès le départ, les oppositions entre les deux personnages sont
établis, les voitures disent qu'ils sont d'univers totalement
différents. Il klaxonne comme un dingue pour la faire démarrer (ce
sera un motif récurrent du film, Sebastian arrivera devant chez Mia
en klaxonnant très fort), elle lui fait un doigt tandis qu'il la
double. C'est parti pour deux heures de hasards et coïncidences,
comme dirait Claude Lelouch, avant qu'ils ne s'aiment.
Elle
est actrice à Hollywood mais en attendant, elle vend des cafés dans
le studio Warner (producteur du film, leur logo apparaît en 1:37 et
noir et blanc comme celui de Cinemascope qui s'étend en format large
et se colorise), lui est pianiste de jazz mais il doit jouer dans des
bars de la musique d’ascenseur. Elle rate tous ses castings, et
encore elle n'auditionne que pour des séries télé, lui se fait
virer par le patron quand il se lance dans une improvisation de free
jazz. Et c'est dans cette boîte de jazz qu'ils se croisent une
deuxième fois, mais Sebastian la bouscule en quittant les lieux.
Deuxième rendez-vous raté.
Je
crois que la chose la plus étonnante dans La La Land est ce
choix de ne pas avoir d'autres personnages que Sebastian et Mia. En
début de film, Mia est chez elle avec ses trois colocataires,
apprenties actrices comme elle, et Damien Chazelle tente de mettre en
scène leur complicité. Le ton est très forcé, tout comme quand
Sebastian croise Keith (John Legend), un ancien comparse musicien. Il
va intégrer le groupe de Keith. Sebastian et Mia n'ont aucun
meilleur ami, les parents de cette dernière ne sont que des
figurants, Keith n'a que quelques scènes, les colocataires
interviennent à peine.
Ce
choix a un effet désastreux sur la narration du film. Nos deux
amoureux n'ont personne à qui exprimer leurs sentiments si ce n'est
à l'une et l'autre. La conséquence directe est que tout passe par
des tunnels de dialogues filmés dans un banal champ-contrechamp (la
terrible scène du repas surprise qui s'avère un désastre), après
les disputes, ils n'ont personne à qui se confesser et ils partent
se promener dans la ville, surtout la nuit, où les visages prennent
les lumières des néons (ah le visage vert d'Emma Stone quand tout
va mal), puis ils se séparent et adoptent des vies qu'ils
méprisaient jusque là. Oui, car ils ne juraient que dans leur
intégrité.
Entre
les tunnels de discussion, Damien Chazelle inclut des chansons. Il
faut constater assez vite que toutes se ressemblent, que les pas de
danse (très rares) sont peu assurés. Parfois, un sursaut de
créativité (Mia vole dans l'observatoire) relève l'intérêt. La
La Land est assez plaqué sur le scénario de Chantons sous la
pluie avec des clins d’œil à New York New York (deux
artistes, Hollywood, les amours contrariées). Pour tout dire, le
meilleur moment est la deuxième fin qui rappelle celle des deux
films précités. Malgré ses défauts, je préfère Crazy stupid
love à La La Land, première romance entre Emma Stone et
Ryan Gosling, ne serait-ce que pour cette fameuse scène se
strip-tease qui a tant fait pour la carrière de l'acteur.
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