« Rien
n'est plus difficile de filmer qu'un feu » avait dit Jean-Marie
Straub lors d'un entretien pour la sortie de Sicilia (Cahiers du
cinéma de septembre 1999). il observait à la télévision les
tentatives de filmer un large incendie. Cette petite phrase m'est
toujours resté en mémoire et depuis 20 ans j'observe les feux au
cinéma en me demandant si ce sont des feux vraisemblables à défaut
d'être réalistes. Dans les films d'action, l'accessoiriste balance
du kérosène et hop ça flambe. Mais dans The Revenant, je me
suis toujours trituré le cerveau pour savoir comment la cabane brûle
avec que des bûches et planches humides et trempées. C'est la magie
du cinéma.
Le
futur du titre français, Viendra le feu, annonce un incendie, un feu
immense. C'est le paroxysme du film où le spectaculaire se glisse
dans les images. Je me suis demandé comment le cinéaste était
parvenu à filmer ces immenses conifères en flammes, c'est la
verticalité des arbres qui impressionnent tout comme, une fois
l'incendie terminé, ce gris absolu quand tout est ravagé. Enfin,
l'émotion diffuse avec ce cheval hagard qui tente de trouver un
chemin, ses yeux auront été brûlé par le feu. Voilà quelques
idées pour filmer le feu. L'enjeu n'est pas un suspense quelconque,
vont-ils s'en sortir mais bien comment ont-ils filmé ça.
Les
flammes sont verticales mais le film commence avec une séquence
énigmatique sur une forêt en train d'être arasée, les arbres
tombent et là c'est l'horizontalité qui intrigue. Les arbres
tombent comme dans un jeu de quille sans qu'on comprenne s'il s'agit
d'une force tellurique exceptionnelle, ce qui place le film hors du
réalisme, vers un conte où la forêt serait le lieu des peurs de
notre enfance. La musique tonitruante, la lumière nocturne finissent
d'amplifier l'énigme jusqu'à l'apparition d'un bulldozer. L'homme
est toujours responsable de la destruction de la forêt, s'il coupe
les arbres en début de film, il allume le feu de la fin du film.
Entre
les deux se trouve développée la vie d'Amandor, quadragénaire peu
souriant aux cheveux longs et gras qui sort de prison. Il n'en faut
pas beaucoup pour qu'on comprenne qu'il est pyromane. Il retourne au
village de son enfance. Il fait profil bas, refuse presque de causer
avec les autres villageois, s'installe chez Benedicta, une vieille
femme qui élève trois vaches dont il va s'occuper avec elle.
Amandor reprend le train-train quotidien après la prison. Il
retrouve des gestes abandonnés comme faire griller une tartine sur
le poêle qui sert de table et qui trône au milieu de la cuisine,
déjà le feu.
Bienvenue
en Galice, ses montagnes verdoyantes mais aussi son dialecte, sa boue
quand les vaches qui sortent ou s'enlisent dans un trou d'eau, sa
neige, sa brume. Viendra le feu fait partie de ces films
ruraux où pas grand chose se passe, Le Quattro volte, les
films de Lisandro Alonso par exemple, tout est au rythme de la
campagne, de la nature, des bêtes. C'est devenu un genre en soi avec
ses micro récits (devenir ami avec la vétérinaire venue soigner
une vache), son sens de l'observation proche du documentaire parfois
soporifique, ce qui permet souvent au spectateur de se reposer
(comprendre somnoler) pour mieux repartir.
Dans
ces deux ans passées en prison, loin du hameau, il s'est passé de
choses et c'est aussi cela que montre Viendra le feu. Ce sont ces
vieilles bâtisses que reconstruit, pierre par pierre, tuile par
tuile, poutre par poutre, l'un des voisins. Il espère des touristes.
Le suspense prend alors forme avec Amandor qui constitue un danger
évident, il tourne autour des maisons retapées au fil des saisons
comme s'il voulait que rien ne bouge. Comme si seul le feu pouvait
faire table rase du passé et tout relancer tel un Phénix. Mais
comme à la fin du Sacrifice, une fois le décor du film
brûlé, le film est fini.
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