Anna
Faris n'a jamais eu la carrière qu'elle méritait, c'est sans doute
l'apanage des actrices comiques blondes à Hollywood, Elizabeth Banks
doit se contenter de jouer les langues de vipère (Perfect pitch
2, sa meilleure partition), Kristen Wiig les fausses ingénues
(tous les films de Paul Feig). Anna Faris, contrairement à ses
nombreuses consœurs, joue en solo et dans Smiley face elle
élabore un comique visuel qui n'est pas sans rappeler l'abattage des
actrices des années 1930 (au hasard Miriam Hopkins).
Smiley
face, ce visage souriant appartient donc à cette jeune femme de
Los Angeles, Jane F. (son nom de famille n'est pas plus long)
apprentie comédienne de métier et qui doit aller à une audition ce
matin-là à 11h30. Ce visage, Gregg Araki va s'amuser à le
triturer, à le déformer, à le rendre si élastique qu'il semble ne
jamais vraiment être dans son forme initiale. C'est sa capacité à
la déformation qui rend le comique d'Anna Faris si amusant et si
rare, dans une manière burlesque qui tourne parfois au grotesque.
Au
fil des minutes qui composent cette journée de Smiley face,
du matin jusque dans l'après-midi, de A à Z tel un jeu de piste
ludique (les lettres viennent les unes après les autres), Jane va
rencontrer des gens, des personnages souvent secondaires, qui
composent autant de sketches de durée relativement courte. Comme à
son habitude, Gregg Araki a engagé pour ces seconds rôles des
acteurs issus de série télé, des interprètes capables de jouer
avec une certaine outrance des situations elles-mêmes
particulièrement carabinées.
Les
rencontres commencent chez elle avec son colocataire (Danny
Masterson), un type peu sympathique, jamais le sourire, tout
l'inverse de Jane – et du titre du film – qui lui ordonne de
payer l'électricité. Ce colocataire a cuisiné des cup-cakes, ils
sont dans le frigo et Jane a faim. Il a beau avoir laissé une note,
plutôt bien visible, demandant à ne pas manger les gâteaux. Or,
comme je l'ai déjà écrit, Jane a faim et se goinfre. Pas un seul
cup-cake mais toute l'assiette. Ce qu'elle ignore est que c'était
des space-cakes.
A
partir de cette situation issue d'une décision stupide, une fille
défoncée au cannabis à cause des gâteaux va prendre toutes les
mauvaises décisions possibles. Chaque fois, Jane est pourtant
convaincue que ce qu'elle s’apprête à faire est malin, va
résoudre la crasse précédente, va réparer les dégâts qu'elle
vient de causer à elle comme aux autres, elle imagine d'ailleurs son
bon plan, Gregg Araki filme son imagination débordante, car oui
c'est bien de l'imagination, et la réalité s'écrase sur elle avec
fracas.
Les
catastrophes s'enchaînent sur un rythme soutenu, elle croise
beaucoup de monde : son dealer (Adam Brody), la directrice de
casting (Jane Lynch), un ex qui va lui servir de chauffeur (John
Kasinski), la mère de son prof de philo (Marion Ross) et en « guest
star » une version originale du Manifeste du parti communiste
de Karl Marx. Suivre le parcours de Jane F c'est plonger dans son
délire mental qui se répercute sur son physique. Un délire qui
reflète la mentalité américaine blanche et fière de sa propre
stupidité.
Le
film est souvent hilarant, le plus drôle de Gregg Araki.
Superficiellement, Smiley face est à l'opposé total du ton
de Mysterious skin. Les deux titres de film se complètent
pourtant, skin / face, il s'agit de visage, de peau, de corps que la
société américaine malmène dans sa schizophrénie (Karl Marx
étudié mais interdit, la marijuana interdite mais vendue par
l'état). Le film est représenté par ce symbole de smiley qui
remplace le titre dans le générique alors qu'en regardant bien, le
film tient parfois du film d'horreur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire