jeudi 18 avril 2019

Smiley face (Gregg Araki, 2007)

Anna Faris n'a jamais eu la carrière qu'elle méritait, c'est sans doute l'apanage des actrices comiques blondes à Hollywood, Elizabeth Banks doit se contenter de jouer les langues de vipère (Perfect pitch 2, sa meilleure partition), Kristen Wiig les fausses ingénues (tous les films de Paul Feig). Anna Faris, contrairement à ses nombreuses consœurs, joue en solo et dans Smiley face elle élabore un comique visuel qui n'est pas sans rappeler l'abattage des actrices des années 1930 (au hasard Miriam Hopkins).

Smiley face, ce visage souriant appartient donc à cette jeune femme de Los Angeles, Jane F. (son nom de famille n'est pas plus long) apprentie comédienne de métier et qui doit aller à une audition ce matin-là à 11h30. Ce visage, Gregg Araki va s'amuser à le triturer, à le déformer, à le rendre si élastique qu'il semble ne jamais vraiment être dans son forme initiale. C'est sa capacité à la déformation qui rend le comique d'Anna Faris si amusant et si rare, dans une manière burlesque qui tourne parfois au grotesque.

Au fil des minutes qui composent cette journée de Smiley face, du matin jusque dans l'après-midi, de A à Z tel un jeu de piste ludique (les lettres viennent les unes après les autres), Jane va rencontrer des gens, des personnages souvent secondaires, qui composent autant de sketches de durée relativement courte. Comme à son habitude, Gregg Araki a engagé pour ces seconds rôles des acteurs issus de série télé, des interprètes capables de jouer avec une certaine outrance des situations elles-mêmes particulièrement carabinées.

Les rencontres commencent chez elle avec son colocataire (Danny Masterson), un type peu sympathique, jamais le sourire, tout l'inverse de Jane – et du titre du film – qui lui ordonne de payer l'électricité. Ce colocataire a cuisiné des cup-cakes, ils sont dans le frigo et Jane a faim. Il a beau avoir laissé une note, plutôt bien visible, demandant à ne pas manger les gâteaux. Or, comme je l'ai déjà écrit, Jane a faim et se goinfre. Pas un seul cup-cake mais toute l'assiette. Ce qu'elle ignore est que c'était des space-cakes.

A partir de cette situation issue d'une décision stupide, une fille défoncée au cannabis à cause des gâteaux va prendre toutes les mauvaises décisions possibles. Chaque fois, Jane est pourtant convaincue que ce qu'elle s’apprête à faire est malin, va résoudre la crasse précédente, va réparer les dégâts qu'elle vient de causer à elle comme aux autres, elle imagine d'ailleurs son bon plan, Gregg Araki filme son imagination débordante, car oui c'est bien de l'imagination, et la réalité s'écrase sur elle avec fracas.

Les catastrophes s'enchaînent sur un rythme soutenu, elle croise beaucoup de monde : son dealer (Adam Brody), la directrice de casting (Jane Lynch), un ex qui va lui servir de chauffeur (John Kasinski), la mère de son prof de philo (Marion Ross) et en « guest star » une version originale du Manifeste du parti communiste de Karl Marx. Suivre le parcours de Jane F c'est plonger dans son délire mental qui se répercute sur son physique. Un délire qui reflète la mentalité américaine blanche et fière de sa propre stupidité.


Le film est souvent hilarant, le plus drôle de Gregg Araki. Superficiellement, Smiley face est à l'opposé total du ton de Mysterious skin. Les deux titres de film se complètent pourtant, skin / face, il s'agit de visage, de peau, de corps que la société américaine malmène dans sa schizophrénie (Karl Marx étudié mais interdit, la marijuana interdite mais vendue par l'état). Le film est représenté par ce symbole de smiley qui remplace le titre dans le générique alors qu'en regardant bien, le film tient parfois du film d'horreur.
























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