mercredi 24 avril 2019

Le Policier (Nadav Lapid, 2011)

Cinq gars en pleine forme font du vélo. Hop, un faux plat, une petite montée. L'un d'eux se détache du groupe, il s'approche de la caméra et semble se désigner auprès du spectateur comme le leader naturel de cette escouade. Plus loin, arrêtés au bord d'un panorama où le paysage offre des collines désertes, chacun criera son nom à l'écho, il dira que c'est le plus beau pays du monde. Lui c'est Yaron (Yiftach Klein), déjà vu dans le rôle de l'énervant Yoav dans La Petite amie d'Emile, ici son corps est devenu plus massif, son regard plus pénétrant, sa voix plus affirmée.

Si le titre ne le disait, il ne serait pas possible de savoir que ces hommes sont des policiers pendant tout le premier quart d'heure. En revanche, Nadav Lapid se plaît à décrire les rapports entre les membres de se groupe, leur manière de se dire bonjour, des accolades viriles quand ils se retrouvent comme à ce barbecue, leur manière de se dire au revoir bien plus simple et qui laisse Yaron dépité de devoir les quitter. Pendant un bon moment, leur parole est vide de sens, les propos qu'ils tiennent entre eux d'une grande banalité.

Pourtant le groupe est rongé de l'intérieur. Ariel l'un des policiers a un cancer, cela on l'apprend de manière détournée toujours avec cette volonté du cinéaste de ne pas trop en dire, de laisser mijoter son récit à petit feu. Plus tard, lors d'un briefing, leur supérieur hiérarchique explique la bavure qu'ils ont commis. C'est en vérité un assassinat, ils ont tué des « terroristes » et aucun d'eux ne veut se dénoncer. Ariel qui va bientôt mourir a décidé de passer pour l'unique responsable. Les cinq hommes font groupe comme un seul homme.

Yaron est le seul dont la vie privée est montrée. Son épouse Nili (Meital Berdah) est enceinte jusqu'aux dents. Loin d'être un macho, Yaron dans une nudité où il se livre, lui pratique des massages calmants, il s'occupe d'elle avec tendresse et calme. Lors de l'anniversaire de sa mère, il la porte dans les escaliers (en Israël aussi les ascenseurs tombent en panne). Ce portrait de Yaron est double, exprime une schizophrénie que le film va poursuivre avec le deuxième groupe, non pas les punks qui détruisent une bagnole comme moyen de transition.

Ce deuxième groupe qui va affronter les policiers dans le troisième tiers, de manière inéluctable est composé de quatre amis, une fille Shira (Yaara Pelzig) et quatre garçons Nathanael (Michael Aloni), Yotam (Ben Adam) et Oded (Michael Moshonov). C'est ce dernier qui a le portrait le plus complet, comme Nadav Lapid s'intéressait à Yaron au sein de son groupe de policiers, il suit le parcours d'Oded dans son rapport avec Shira dont il est clairement amoureux, il lui dit clairement et seul un visage fermé lui est donné comme réponse.

Ce groupe aura aussi cinq membres quand le père d'Oded qui a bien compris ce qui unit ses membres, va se joindre à eux. D'abord il tente de dissuader Shira, en allant sonner à sa porte, de renoncer à leur action. On remarque que tous ses jeunes vivent chez papa maman, Oded dans un modeste appartement mais Shira dans une luxueuse maison. On apprend aussi que Nathanael est le fils d'un juge de Jérusalem. Le groupe se dit révolutionnaire mais eux sont des bourgeois qui se prennent pour des rebelles qui se sont donné une cause.


Armée d'un mégaphone, Shira va jouer à la révolution. Armé d'un fusil d'attaque, Yaron va pratique la répression. Les derniers regards dans un champ contrechamp troublant, montrent deux âmes désormais mortes. Yaron stupéfait que ses convictions clamées pendant toute la première partie, sa haine des Arabes apprise comme une institution, soient contrecarrées par le visage de cette jeune femme, les yeux grands ouverts, qui le juge au moment même où sa femme accouche. Un mort, une naissance.

























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