En
regardant Synonymes, je me suis dit ça c'est du cinéma. Mais
je me sens un peu seul. Dans le cinéma où je travaille, les
spectateurs sortent de la salle au bout d'un peu plus d'une heure.
Hier soir, un monsieur m'a dit qu'il trouvait stupide que le film ne
critique pas Israël suffisamment clairement (le film aurait dû
ressembler à un article du Monde diplomatique). C'est aussi cela ne
pas mâcher le travail du spectateur, ne pas forcément donner un
récit linéaire, ne pas faire des rebondissements narratifs toutes
les demies-heures et ne pas convaincre que les convaincus.
J'imagine
que le film a été vendu et critiqué comme un pamphlet politique
(la bonne blague) ajouté à ça la toxicité des séries télé qui
rend peu ouverts aux choses inhabituelles. Regarder avant ou après
Synonymes ce court-métrage, La Petite amie d'Emile (pas
si court que ça quand même, il fait 48 minutes) disponible sur le
DVD de L'Institutrice, permet de retourner aux sources du
cinéma de Nadav Lapid et de voir à quel point il cherche à créer
une cohérence entre ses films, comme je l'écrivais samedi.
Ce
qui frappe dans les premières minutes de La Petite amie d'Emile
ce n'est pas la nudité intégrale de son personnage ce premier Yoav
du cinéma de Nadav Lapid, incarné par Iptav Klein, c'est
l'influence du cinéma de Jean-Luc Godard, à la fois à gros traits
et tour énamouré. Disons que Yoav a beaucoup regardé Jean-Paul
Belmondo dans A bout de souffle et Charlotte et son jules
et il l'imite dans le plus simple appareil dans un seul but :
draguer Delphine (Caroline Frank) la petite amie de son pote français
qu'il a connu à Paris quelques années auparavant.
La
nudité des deux Yoav, celle de Synonymes, celle de La Petite amie
d'Emile, la liste des synonymes, écrite dans ce court-métrage
et l'obsession pour la France, cet Emile à qui à la fois Delphine
et Yoav téléphonent, écoutant le répondeur sans laisser de
message (Emile, Emile, Emile, Emile, Emile, entend-on de la voix du
parisien. Ce que l'on apprend est qu'il est en dépression, disparu,
comme Quentin Dolmaire le fera dans Synonymes, accentuant les
liens entre ces deux films situés entre Paris et Tel Aviv.
Delphine
et Yoav se promènent dans la ville (les trottoirs et le bitume sont
filmés de la même manière). Un café (où Yoav sort la réflexion
de Belmondo sur son physique banal tout en montrant qu'il la désire).
Mais c'est la visite du Musée de la diaspora qui enfonce le clou du
film et surtout les bobards de Yoav ce type si antipathique (elle ne rêve que d'écrire sur
la Shoah pas sur la diaspora) et enfin, Nadav Lapid montre en une
scène la folie paranoïaque et le délire raciste de son pays. Il
n'en faut parfois pas plus quand on a la force du cinéma avec soi.
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